L’avalanche règlementaire concernant l’activité partielle pour faire face à la crise économique se poursuit. Voici les dernières évolutions
Concernant l’activité partielle de droit commun (Ordonnance n°2020-770 du 24 juin 2020 et décret n°2020-810 du 29 juin 2020, décret n°2020-794 du 26 juin)
Depuis le 1er juin 2020, la prise en charge par l’État pour le compte de l’entreprise est diminuée rétroactivement et ramenée à 85% de l’indemnité versée au salarié dans la limite inchangée de 4,5 Smic.
A ce jour, rien ne change pour les salariés qui doivent percevoir au minimum 70% de leur salaire brut avec le plancher.
Ainsi, les entreprises ne seront plus remboursées qu’à hauteur de 60% du salaire brut au lieu de 70% précédemment SAUF pour les secteurs faisant l’objet de restrictions législatives et réglementaires, en raison de la crise sanitaire, qui continueront à bénéficier d’une prise en charge à 100% et ce jusqu’au 30 septembre 2020. Ces secteurs dont la liste est donnée en annexe du décret relèvent du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’évènementiel.
Ces niveaux de prise en charge s’appliquent jusqu’au 30 septembre, mais d’ores et déjà le gouvernement a annoncé, au prétexte d’une convergence avec le modèle allemand, une moindre prise en charge pour le salarié à hauteur de 60 % du salaire net à compter du 1er octobre.
Le décret n°2020-794 du 26 juin précise les modalités de mise en œuvre de l’activité partielle. S’agissant du rôle du CSE en cas de demande d’autorisation d’activité partielle, le décret précise que l’obligation de consultation préalable du CSE ne s’impose qu’aux entreprises d’au moins 50 salariés, alors que dans sa version antérieure, l’article R. 5122-2 du code du travail n’opérait aucune distinction selon l’effectif de l’entreprise. Cette précision avait déjà été apportée par le Ministère du travail dans son « questions-réponses » et se justifie par le fait que cette obligation s’appliquait, avant la mise en place des CSE, dans les entreprises dotées d’un comité d’entreprise, donc de plus de 50 salariés. Toutefois, cette précision fait abstraction du fait que le texte prévoyait qu’en l’absence de CE, la demande était accompagnée de l’avis préalable des délégués du personnel. Cela signifie que désormais, dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’employeur ne procède à aucune consultation
préalable !
Concernant l’activité partielle de longue durée (Décrets à venir)
Un nouveau type d’accord collectif
Un décret à paraitre soumis à la consultation de la CNNCEFP précise les modalités de mise en œuvre d’un dispositif d’activité partielle de longue durée. Cela fait suite à l’article 53 de la loi d’urgence n°2020-734 du 17 juin, qui prévoyait la création d’un dispositif spécifique d’activité partielle dénommé « activité réduite pour le maintien en emploi » (ARME) – voir circulaire n°154-2020.
Le projet de décret évoque désormais un « dispositif spécifique d’activité partielle pour les employeurs faisant face à une baisse durable d’activité » (APE-BDA). A titre liminaire, le titre du décret interpelle en ce qu’il fait référence à un dispositif en faveur des « employeurs », et non des entreprises faisant face à une baisse durable d’activité.
Il s’agit d’un nouveau type d’accord collectif d’établissement, d’entreprise, de groupe ou de branche qui permettra à l’entreprise de bénéficier d’une indemnisation au titre de la réduction de l’horaire de travail en échange d’un engagement de maintien de l’emploi. Les conditions de la mise en place de l’APE-BDA sont qu’un accord de branche étendu ou d’entreprise le prévoit. L’APE-BDA est ensuite validé par la Direccte.
Ce dispositif peut être mis en place par accord collectif de branche étendu. Très peu de clauses obligatoires sont prévues dans cette hypothèse. L’accord de branche n’aura qu’à préciser les modalités d’information des organisations syndicales de salariés signataires et des instances représentatives du personnel sur la mise en œuvre de l’accord.
Sur la base de cet accord de branche, l’employeur qui souhaite bénéficier de ce dispositif n’aura qu’à déterminer de manière unilatérale, après consultation du CSE s’il existe, la période sollicitée, les activités et les salariés concernés, ainsi que les engagements qu’il envisage de prendre en termes de maintien de l’emploi et de formation professionnelle. L’avis du CSE, ou à défaut la convocation du CSE devra être transmis lors de la demande d’homologation.
A défaut d’accord de branche, le dispositif pourra être mis en place par accord d’établissement, d’entreprise ou de groupe, selon les modalités classiques : outre un préambule prévoyant un diagnostic sur la situation économique de l’établissement, de l’entreprise ou du groupe et leurs perspectives d’activité, l’accord doit obligatoirement faire apparaitre les salariés et les activités concernés, la durée d’application de l’accord, les réductions de l’horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation, les engagements de l’employeur pour sécuriser le parcours des salariés (maintien dans l’emploi, formation) ainsi que les modalités d’information des représentants du personnel et des organisations syndicales représentatives.
La durée de l’accord varie entre 6 et 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de trente-six mois consécutifs. Le CSE est informé de l’évolution de la mise en place du dispositif mais l’accord peut prévoir des informations moins espacées dans le temps. Aucune consultation, ni même information du CSE n’est prévue en amont de la négociation ou en cas de signature d’un accord portant sur ce dispositif.
En dehors des clauses obligatoires, les accords de branche et d’entreprise pourront également prévoir :
– des clauses sur les efforts proportionnés des dirigeants, mandataires sociaux et actionnaires, mais ce n’est que facultatif ;
– les conditions de mobilisation des congés payés et du compte personnel de formation ;
– ainsi que les moyens de suivi de l’accord par les organisations syndicales.
Homologation et rôle du CSE
En tout état de cause, l’accord d’entreprise (établissement ou groupe), ou le document unilatéral de l’employeur en application d’un accord de branche devra faire l’objet d’une homologation par le préfet du département, qui ne sera qu’une formalité puisqu’il n’y aura pas de contrôle d’opportunité ou de proportionnalité, mais un simple contrôle du respect de la procédure.
D’ailleurs le silence gardé par le préfet dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l’accord, 21 jours à compter de la réception du document unilatéral de l’employeur, vaut validation.
Seule la décision de l’autorité administrative de validation, ou de refus de validation de l’accord, doit faire l’objet d’une information du CSE après avoir été notifiée à l’employeur.
Il est surprenant, alors qu’il n’est pas prévu que le CSE soit informé de l’ouverture de négociations et le cas échéant de la signature de l’accord, qu’une information du CSE soit prévue en cas de refus de validation de l’accord de la part de l’administration et de reprise des négociations. Selon nous, le CSE devrait être informé dès l’ouverture des négociations initiales sur le dispositif et l’employeur contraint de transmettre l’accord conclu le cas échéant au CSE au moment de sa demande de validation.
Si l’accord d’entreprise, d’établissement ou de groupe est conclu pour une durée supérieure à 6 mois, il est prévu par le projet de décret que l’autorité administrative autorise la poursuite du versement de l’allocation tous les 6 mois, après que l’employeur lui a notamment transmis « le procès-verbal de la réunion au cours de laquelle le CSE a été informé du diagnostic actualisé par l’employeur sur la situation économique de l’établissement, de l’entreprise ou du groupe ».
Cette rédaction est peu claire. Il conviendrait plutôt d’imposer à l’employeur la transmission à l’administration de l’avis du CSE accompagné du PV de la réunion au cours de laquelle a eu lieu la consultation afin qu’elle autorise ou non la poursuite du versement de l’allocation.
Allocation versée par l’État/Indemnisation
Le projet de décret prévoit un nombre maximal d’heures chômées dans la limite de 40% du temps de travail. FO préconise ici aux syndicats de voir s’il est possible de lisser sur la durée de l’accord.
Le texte précise le niveau du taux horaire de l’allocation versée aux entreprises pour chaque salarié placé dans le dispositif. Si l’accord est transmis avant le 1er octobre 2020, le taux est de 60 % de la rémunération horaire brute, dans la limite de 4,5 Smic ; puis 56 % à compter du 1er octobre. Un plancher est fixé à 7,23 euros.
Le salarié entrant dans le dispositif reçoit une indemnité horaire versée par son employeur correspondant à 70% de sa rémunération brute « ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail applicable dans l’entreprise ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail ».
FO appelle ici à revendiquer un maintien intégral de salaire.
Dans le cadre de l’APE-BDA, il n’y a pas de cotisations à la sécurité sociale, ce qui va nécessairement causer un préjudice aux salariés concernant leurs droits sociaux. FO recommande aux négociateurs de l’accord de prévoir une clause spécifique sur ce point pour que cette baisse de droits soit compensée.
Engagements en matière d’emploi
Les engagements en matière d’emploi sont précisés dans l’accord. Aucune condition de maintien de l’emploi n’est exigée !! C’est aux syndicats d’y parvenir. FO préconise que l’APE-BDA soit accompagnée d’un engagement de l’employeur à ne pas mettre en place un PSE dans les 4 années qui suivent la conclusion de l’accord.
Toutefois, le décret prévoit qu’en cas de licenciement pour motif économique dans une période allant jusqu’à 6 mois après la fin du recours au dispositif, l’employeur est tenu de rembourser les sommes perçues au titre de l’allocation versée par l’État.
Le décret précise que le paiement de l’allocation peut être suspendu si des manquements aux engagements sont constatés « en matière de sécurisation des parcours professionnels et de mise en œuvre d’efforts par les dirigeants salariés, mandataires sociaux et actionnaires. »
FO recommande aux syndicats dans le cadre de la négociation de l’accord que les actionnaires ne perçoivent pas leur dividende pendant toute la durée de l’APE-BDA.
Les engagements en termes de formation sont déterminés dans l’accord. FO recommande que les syndicats négocient en entreprise un abondement d’heures de formation par l’employeur.
Enfin, l’employeur ne pourra pas cumuler ce dispositif et le recours à l’activité partielle classique, sauf circonstances exceptionnelles.
Le dispositif devait entrer en vigueur le 1er juillet.
D’autres dispositions réglementaires devraient intervenir dans les semaines à venir, nous vous tiendrons informés.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly