En vue de la présentation cet été d’un énième plan Santé, le ministre Olivier Véran annonce l’ouverture le 25 mai de discussions sur les questions de rémunérations et de temps de travail des personnels hospitaliers. Les organisations syndicales sont conviées, mais pas que. Ce qui pose un premier problème, réagit FO-Santé. Sans compter que, pour l’instant, aucun cadre n’a été défini pour la rencontre, pas plus qu’un axe clair pour les thèmes épineux, tels les salaires, que le gouvernement entend aborder.
Il y a eu les accords de Grenelle, y aura-t-il les accords de Ségur, du nom de la rue où est basée le ministère de la Santé ? Le ministre, Olivier Véran, a annoncé en tout cas, le week-end dernier, dans une longue interview accordée à un hebdomadaire, son intention de lancer un Ségur de la Santé, reprenant ainsi l’expression employée par le président de la République en visite le 15 mai dans un hôpital parisien. Le ministre de la Santé donne même la date d’ouverture des discussions : le 25 mai. Et ces discussions seraient censées apporter des éléments pour la construction d’un grand plan santé
qui serait présenté cet été.
Or, premier couac… Les principales intéressées par des négociations, les organisations syndicales, dont FO-Santé, n’étaient pas au courant et ont appris tout cela par la presse. Autant dire qu’elles sont pour le moins interloquées par cette annonce qui une fois de plus, analysent-elles, illustre, l’étrange conception du gouvernement en matière de dialogue social.
Et, plus globalement, ce ne sont pas seulement l’annonce de ce Ségur et sa date qui posent problème. C’est entre autres, le cadre
relève Didier Birig, le secrétaire général de la fédération FO des personnels des services publics et de Santé (FO-SPS). Nous refusons que des négociations, notamment salariales, aient lieu en présence de “collectifs“ du secteur Santé, « qui ne représentent qu’eux-mêmes » et qui n’ont pas affirmé leur légitimité, contrairement aux organisations syndicales représentatives, par des élections professionnelles
. Le militant note au passage, que les collectifs, eux, avaient été mis au courant, par l’exécutif, du rendez-vous du 25 mai…
FO exige un « périmètre clair » pour la négociation
Les organisations syndicales ont décidé d’une réaction. A l’initiative de la fédération FO, se tiendra le 19 mai, une intersyndicale du secteur Santé de la Fonction publique. Est d’ores et déjà envisagé, indique Didier Birig, l’envoi d’un courrier au ministre, Olivier Véran, et peut-être même au chef de l’État, afin de demander que les collectifs ne participent pas à de prochaines négociations. Ce sont les organisations représentatives du secteur qui négocient les augmentations de salaires et pas les collectifs
appuie Didier Birig.
Ces négociations annoncées posent encore bien d’autres problèmes. Le scénario affiché par le ministre, pour l’instant plutôt synopsis peu précis, renvoie les organisations syndicales à moult questions. Quelle négociation ? Sur quoi ? Pour qui ? Comment ? Alors que le ministère affirme travailler à l’organisation d’un cadre pour ces négociations, la fédération FO, insiste Didier Birig, demande « un périmètre clair et une méthode ».
Si le ministre annonce une rencontre le 25 mai, cette date marquera aussi celle du dépôt d’un préavis de grève pour une durée illimitée jusqu’à l’obtention d’une feuille de route, l’ouverture d’un calendrier de négociations, d’un véritable plan de santé publique pour le secteur sanitaire, médico-social et sociaux éducatif
soulignait déjà FO-SPS le 13 mai. La date de dépôt de ce préavis est plus que jamais maintenue. Les agents n’en peuvent plus et ne veulent plus d’un système de santé au rabais
résume la fédération.
Le refus d’un troc du temps de travail
Or, ce que semble proposer le ministre de la Santé est loin de répondre aux demandes faites notamment depuis plus d’un an et qui a amené le mouvement de grèves massif dans les hôpitaux. La crise n’a pas renvoyé les revendications dans l’oubli, au contraire. Ainsi, actuellement, les personnels de plusieurs hôpitaux ont entamé des grèves (à Nice, Saint-Etienne…) indique Didier Birig.
En cause, notamment, les conditions d’octroi de la prime exceptionnelle Covid, variant de 500 à 1500 euros, selon le temps passé par les agents dans les services, selon que ces services ont assuré un surcroît de travail par le Covid… La prime n’est donc pas forcément de 1500 euros, loin de là. Certains agents se sentent floués et c’est légitime !
appuie FO-SPS qui a par ailleurs appris que l’administration de la Santé envisageait d’ajouter des restrictions au versement de cette prime. Restrictions qui impacteraient les personnels de 79 établissements hospitaliers.
Olivier Véran annonçait quant à lui ce week-end que le gouvernement -qui affiche de manière inédite sa volonté de « sortir du dogme de la fermeture des lits – prévoit d’augmenter les rémunérations
ou encore qu’il envisage un cadre beaucoup plus souple
au temps de travail. Et de préciser : si les salariés de l’hôpital souhaitent travailler davantage et augmenter leur rémunération, il faut que cela soit possible
. Et d’ajouter encore il n’y a pas d’argent magique, il faudra donc faire des choix
.
La demande de vraies augmentations de salaire
Pour les personnels, ce que le gouvernement semble concevoir comme d’alléchantes promesses sur les rémunérations et le temps de travail peut constituer autant de pièges. Qui serait concerné par d’hypothétiques augmentations de salaires ? S’il s’agit d’évoquer le cas des infirmiers, des aide-soignants et des médecins, ce cadre est trop réducteur
réagit Didier Birig. Et sur quels éléments portera la négociation salariale, interroge encore le militant. S’il agit de procéder à de légères modifications dans le champ indemnitaire ou d’appliquer quelques autres au plan indiciaire, cela va être très compliqué
analyse-t-il, soulignant le risque évident d’un effet domino
.
Comment en effet un agent administratif ou par exemple encore un personnel de restauration travaillant dans un hôpital pourrait accepter d’être écarté de toute hausse de salaire ? Si le gouvernement choisissait un tel cadre restreint pour des négociations, celles-ci ne mèneraient pas loin avertit FO-SPSS rappelant que l’humeur des agents est plus que morose et que ça grince de partout actuellement dans la Fonction publique
.
Rien de surprenant. Les agents de la Fonction publique (État, hospitalière et territoriale), qui ont été plus que sollicités depuis le début de la pandémie rappellent qu’ils n’ont reçu aucune hausse générale de salaire depuis 2011 (hormis une hausse de 1,2% en deux temps sur 2016/2017). Cet hiver, avant la crise, pour simplement résorber la perte de pouvoir d’achat, ils revendiquaient un rattrapage du point d’indice (base de calcul pour tous les traitements/salaires dans les trois versants du public) à hauteur de 18%.
Congés, RTT, heures supp’…
Sur la question du temps de travail, la fédération FO-SPSS affiche aussi ses craintes d’une remise en cause » des 35 heures, lesquelles, accusées de tous les maux depuis leur mise en œuvre, n’ont surtout jamais fait l’objet d’une compensation en emplois. « Mécaniquement les 35 heures auraient dû entraîner la création de 70 000 postes… Mais on ne les a jamais vus !
s’indigne Didier Birig.
Le secrétaire général relève encore la situation désastreuse et récurrente au plan des heures supplémentaires, des jours de congés ou de RTT à l’hôpital. L’équivalent de plus de 30 000 postes est stocké sur les CET
(compte épargne temps comptabilisant jours de congés et RTT, Ndlr), sans compter les heures supplémentaires
toujours en attente de paiement. Or, dans le cadre de la crise Covid, en mars, le contingent d’heures supplémentaires a été déplafonné. Il avait déjà été relevé l’an dernier, passant de 180 à 240 heures par an.
Alors quel est le projet du gouvernement s’inquiète Didier Birig. Serait-ce d’accorder quelques petites augmentations avec, “en échange“ une perte de jours de RTT ou de jours de congé ?
La fin du « toujours plus avec moins… » ?
En aucun cas, FO-SPSS n’acceptera un marché de dupe entre rémunération et temps de travail et dissociera par ailleurs l’indemnitaire de l’indiciaire
. Et poursuit la fédération puisque le président de la République a annoncé il y a quelques semaines qu’il faudra mettre des moyens importants pour l’hôpital, il faut aujourd’hui concrétiser et passer des paroles aux actes !
Pour FO-Santé cela signifie notamment reconsidérer les dogmes du financement des hôpitaux
par l’Ondam (latitude annuelle de dépenses toujours revue à la baisse, Ndlr) ou encore la T2A (tarification à l’acte), cela signifie aussi reconsidérer le tout ambulatoire, le flux tendu
… Bref, mettre fin à ce qui pèse sur l’hôpital : devoir faire toujours plus avec moins…
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly