Yves Veyrier, Secrétaire général de Force Ouvrière, était l’invité de Marc Fauvelle dans « La matinale » de :franceinfo le vendredi 22 novembre 2019.
Qu’est ce que vous dites ce matin au patron de la CFDT Laurent Berger : « Vas jusqu’au bout et rejoins-nous dans les cortèges ?
« Ceux qui pensaient que la réforme n’avait pas pour objectif de faire des économies et de contraindre à travailler plus longtemps, au risque (pour ceux qui ont encore un boulot au moment de la retraite) de voir sa retraite, sa pension baisser, ouvrent les yeux. C’est la réalité de ce projet. On est en train de détruire l’existant. On parle des régimes spéciaux ! C’est le régime de base de la sécurité sociale qui est en cause. C’est le mode de calcul des 25 meilleures années qui va disparaître au profit d’un système où il faudra accumuler des points tout au long de la vie active, mais y compris à des périodes où on n’a pas de boulot, du temps partiel, des petits salaires. »
Et vous pensez que la CFDT n’avait pas compris cela jusqu’à présent ?
« Je pense que la CFDT soutient un principe qui est celui d’un système universel ; mais nous avons aujourd’hui un système universel de retraite. Avec le régime actuel, celui de la sécurité sociale, les régimes spéciaux de la fonction publique notamment, tout un chacun a droit à une retraite ; dont on sait par avance ce qu’elle vaudra, même si on doit améliorer les choses. Vous parliez des syndicats réformistes, FO est un syndicat réformiste, j’appelle à ce qu’on revienne autour de la table de négociations, au point de départ. On peut améliorer le système actuel.
On efface tout et on recommence ?
Oui, on efface tout, et on recommence et on garde le système actuel ! »
Cela fait un an et demi que la réforme est dans la marmite. Plus on avance moins on y voit clair. Est-ce qu’il faut désormais que le gouvernement abatte définitivement ses cartes ?
« Le gouvernement est parti en nous disant : on va faire une réforme qui n’a pas d’objectif de faire des économies, ni de toucher à l’âge de départ à la retraite. Mais on ne parle plus que cela !
Entre temps il y a eu le rapport du Conseil d’orientation des retraites, qui est mis en avant par le gouvernement pour faire des mesures d’économies…
Il y a une vaste opération de communication ou d’instrumentalisation ; le COR avait rendu son rapport annuel au mois de juin, le gouvernement lui demande de refaire un rapport de projection sur la période allant jusqu’à 2030. Heureusement qu’en trois mois les projections ne change pas, sinon quelle confiance on aurait en ces statistiques, en ces prévisions ? Et on a ressorti les mêmes chiffres. Mais, encore une fois, les mêmes chiffres ! On nous parle d’un déséquilibre, mais c’est un déficit qui peut être vu comme un déficit de dépense ou un déficit de recettes. Et le COR lui-même dit que le principal déséquilibre vient des politiques de maîtrise de la dépense publique, c’est-à-dire de la suppression d’emplois dans la fonction publique et de la contrainte sur les salaires dans la fonction publique, qui fait qu’il y a moins de recettes dans les régimes de retraite pour les fonctionnaires. »
Cédric Villani, le député En Marche réclame l’organisation d’un référendum pour sortir de cette crise, est-ce une bonne idée ou pas ?
« Je suis un syndicaliste, et ce que je demande est qu’on revienne à la table des négociations. On peut et on doit améliorer certains nombres de dispositifs dans le système de retraite actuel, incontestablement. »
Qu’est-ce qui doit être amélioré ?
« Hé bien, par exemple, aujourd’hui, les femmes sont celles qui subissent, c’est vrai, plus souvent les périodes d’interruption de carrière, les petits salaires, le temps partiel subi. Et, évidemment, le moment venu, arrivant à la retraite, elles sont dans une situation où la retraite, la pension, ne suffit pas à vivre correctement. Autrefois, la retraite des femmes – parce qu’elles travaillaient moins dans le passé, on parlait du ménage – c’était la retraite du mari. C’est pour cela que les pensions de reversions sont importantes également. Aujourd’hui, cela a changé. Donc, effectivement on ne peut pas laisser sur le côté celles, plus souvent celles, et ceux qui ont subi de la précarité. Mais ce qu’il faut corriger, un, dans l’immédiat, c’est trouver les moyens de la solidarité nationale pour résoudre ces situations. Et, deux surtout, c’est la recette qu’il faut corriger. Et corriger la recette c’est réduire le chômage. Le Premier ministre nous disait « nous n’en avons pas fini avec le chômage massif et la précarité », c’est ça qui pénalise les recettes des systèmes de retraites, ce n’est pas le système de retraite qui est en difficulté. »
Le 5 décembre, Yves Veyrier c’est un coup de pression sur une journée ou c’est le début d’une grève qui doit être longue. Est-ce qu’on va revivre pour vous, les grèves géantes de 1995 ?
« Si on nous dit qu’on nous a enfin entendus, les choses s’arrêteront très vite. Si on ne veut pas nous entendre… On nous dit « vous avez le droit de manifester mais vous manifestez pacifiquement », ce que nous faisons. Je le redis, FO est une organisation pacifique, mais si à la fin de la journée, c’est pour ne pas être entendus. De la manifestation il faut passer à la grève. Et, je le dis, ce n’est pas les régimes spéciaux, il faut que tous les salariés de l’ensemble des secteurs d’activité, du privé et du public s’y mettent. »
Le Président Macron, a appelé les français à être un peu plus optimistes. « Notre pays est trop négatif sur lui-même » a dit le Président, vous vous êtes senti visé ?
« Non pas du tout, je ne suis pas négatif concernant notre pays. La preuve, je suis fier de notre système de retraite que nous avons bâti au fil du temps, qui est un système par répartition, solidaire, qui fait qu’aujourd’hui tout le monde a un droit à la retraite, qu’il faut améliorer pour certaines situations, je le reconnais. Nous avons par exemple avec notre système de retraite le taux de pauvreté parmi les retraités en France est le plus faible si on compare partout ailleurs en Europe. Donc nous pouvons en être fiers et c’est la raison pour laquelle je suis d’autant plus déterminé à défendre notre système de retraite. »
Merci beaucoup Yves Veyrier, patron de Force Ouvrière, vous serez bien dans le bureau du Premier ministre lundi pour le retour des consultations ?
« Oui et j’espère être entendu ! »
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly