En visite hier dans les P.-O., Jean-Claude Mailly, secrétaire de la confédération FO, est revenu sur sa rencontre de mercredi avec Manuel Valls au sujet de la loi travail. Il affirme que le Premier ministre fait preuve d’autoritarisme.
Alors que la loi travail revient en deuxième lecture mardi prochain à l’Assemblée nationale, Jean-Claude Mailly, secrétaire de la confédération Force Ouvrière, était hier dans les Pyrénées-Orientales (lire encadré). Il déplore l’entêtement du gouvernement et surtout de Manuel Valls.
L’article 2 du projet de loi qui vise à favoriser les accords d’entreprises au détriment des accords de branche est toujours le nœud du problème. En quoi les accords de branche sont-ils fondamentaux selon vous ?
Ils présentent deux avantages essentiels. Tout d’abord, ils permettent de négocier et d’appliquer les mêmes règles sociales pour tous. Mais c’est aussi un moyen efficace pour lutter contre la concurrence déloyale. Prenez l’exemple des heures supplémentaires (elles pourront être payées 10% de plus par les employeurs selon les entreprises contre 25% aujourd’hui en moyenne avec les accords de branche, ndlr), cela fait 15 ans que le Medef est dessus. Et là, il est en passe de l’obtenir.
«Le problème de Hollande, c’est de se décider »
Est-ce à dire qu’il ne faut rien changer?
Nous ne sommes pas opposés à une simplification du code du travail, mais nous refusons que le droit du travail soit remis en cause. Aujourd’hui, ce qui importe pour le Premier ministre, c’est le positionnement purement politique, voire même politicien.
C’est-à-dire ?
J’ai rencontré Manuel Valls avant-hier (mercredi, ndlr). Je lui ai demandé pourquoi il tenait tant à cet article 2. Il m’a répondu tout de go «Par conviction». À ce niveau-là, ce n’est pas de l’autorité,
c’est de l’autoritarisme. Avec Jean-Marc Ayrault, son prédécesseur, au moins, on pouvait discuter.
Et le Président de la République dans tout ça ?
Le problème de Hollande, c’est de se décider.
«Ça va leur coller aux basques»
Quel regard portez-vous sur ces quatre derniers mois de dialogue de sourds ?
Le gouvernement a tout raté depuis le début, il n’a consulté personne, n’a rien respecté. À présent, la loi doit repasser devant l’Assemblée nationale. Nous ne sommes pas dupes. Tout est scénarisé.
Après le durcissement du texte par les sénateurs (dont la majorité est à droite, ndlr), ils vont vouloir jouer un coup politique en retirant certains points. Les discussions au parlement sont censées durer jusqu’au 20 juillet, mais je pense qu’ils couperont court et brandiront de nouveau le 49-3. Passer en force pour une loi dite de progrès, ça va leur coller aux basques… De notre côté, nous ne lâcherons rien.
Quels sont les points sur lesquels vous ne lâcherez rien, justement ?
La durée hebdomadaire maximum du travail, le taux de rémunération des heures supplémentaires, les conditions de mise en place du travail de nuit et le délai de prévenance du temps partiel doivent impérativement rester dans les accords de branche et ne peuvent dépendre des accords d’entreprise !
Sur le terrain, quelles sont les réactions des travailleurs, les premiers concernés?
Le sentiment global des salariés que je rencontre, ici comme ailleurs, c’est l’incompréhension. Ils me demandent : «C’est quoi ce micmac ?», «Pourquoi ce conflit est-il aussi long ?». Quand je suis
arrivé à l’aéroport ce matin (hier, ndlr), des personnes sont spontanément venues à ma rencontre pour me dire : «Continuez, tenez bon». Pareil en arrivant au restaurant à midi à Perpignan.
Pour conclure, comment les militants vivent-ils le dénigrement actuel des syndicats ?
Ils ne le ressentent pas vraiment sur le terrain et se sentent soutenus par la base. Ce “bashing” est avant tout dû à la communication du gouvernement. D’ailleurs, j’ai appris qu’à l’issue de l’entrevue de mercredi avec Manuel Valls, le service communication de Matignon a téléphoné à certains journalistes pour affirmer qu’ils avaient notre accord et que nous allions lâcher la CGT. C’est complètement faux. Le problème, c’est qu’en s’attachant autant à la forme, on ne discute pas du fond…
L’Indépendant – 02/07/2016 – Propos recueillis par Estelle Devic
Petites entreprises «pressurisées»
Robert Bassols, président départemental de l’UPA (Union professionnelle artisanale) a rencontré hier midi Jean-Claude Mailly. L’occasion de souligner que son organisation professionnelle est également opposée à la loi travail «faite pour les grands groupes». «Plus de 90% des entreprises du département comptent entre 2 et 10 salariés et nous n’avons pas notre mot à dire », regrette ce dernier qui ajoute : «Nos petites entreprises sont de plus en plus pressurisées. Nous avons déjà subi la loi Sapin dont l’article 43 assouplit les conditions de formation avant de pouvoir s’installer
comme artisan, puis le statut d’auto-entrepreneur qui pose d’énormes problèmes de concurrence déloyale. Et maintenant, on va nous demander de travailler sur la base d’accords d’entreprises…»
Pour mémoire, l’artisanat emploie quelque 20000 salariés dans les Pyrénées-Orientales (en légère augmentation) pour 13000 entreprises.