Syndicats et patronat sont d’accord sur une chose : le chômage des P.-O. est structurel. Aucun secteur d’activité n’est épargné. La précarité l’emporte.
Fin août, les P.-O. ont recensé 46 297 chômeurs (catégories A, B, C). Certains secteurs, comme la boulangerie, peinent pourtant à recruter.
Y’a pas d’boulot dans l’coin ». Cette rengaine fataliste débitée avec coriacité depuis deux ans, ils sont 46 297 demandeurs d’emplois à la véhiculer dans les Pyrénées-Orientales.
« Parce qu’on a bâti notre économie sur de la neige et du sable. Pour s’appuyer sur du dur, il faudrait des industries. Or nous sommes sinistrés à ce niveau-là », stigmatise Jérôme Capdevielle, secrétaire général de Force Ouvrière 66. Vrai qu’il existe seulement vingt-quatre entreprises de plus de 200 salariés dans le département. Vrai aussi que le flux migratoire très élevé (plus de 3 000 nouveaux arrivants par an) plombe les statistiques chaque mois davantage. Vrai enfin que 4/5 des recruteurs ne font pas appel à Pôle emploi. « Et quand ils le font, précise le directeur territorial Languedoc-Roussillon Guy Dujol, ça veut dire qu’ils sont en difficulté. » Les chiffres ne trompent plus personnes. Bonnet d’âne du pays en matière de chômage, les P.-O. semblent souffrir d’un déséquilibre structurel profond, que les emplois saisonniers n’arrivent même plus à masquer. « Les politiques ne s’en émeuvent pas, mais c’est la première fois depuis des années que le chômage a augmenté en juillet et en août. Même les jobs d’été ne suffisent plus à enrayer la chute. Il est temps d’organiser un Grenelle de l’emploi à l’échelle du département », s’alarme Pierre Place secrétaire général CGT 66.
Morosité et décalage
Dans ce tableau noirci par l’enclavement de Perpignan – aéroport de Llabanère écrasé par la concurrence de Gérone, trajet en train de plus de cinq heures pour rejoindre Paris – aucun secteur n’est épargné, y compris les traditionnels pourvoyeurs d’emplois que sont l’agriculture et le tourisme. « On est en crise comme tout le monde. Si le moral n’y est pas, plus personne n’a envie de consommer. » Et François Galabert, président de l’Umih 66 (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie), d’énumérer la baisse de 5 à 30% d’activité de son secteur cet été. Morosité quand tu nous tiens. « Le chômage des P.-O. est effectivement structurel, confirme Alexis Melidonis, président de l’UPE 66 (Union patronale pour l’entreprise). Mais on assiste à un changement d’époque. On n’est pas passé du charbon à l’électricité en deux ans. L’avènement de l’ère numérique a fait des dégâts en gommant le secteur industriel (1% de l’emploi). La solution ? On a fait l’erreur monumentale de se couper des PME. Pour les attirer, il faut absolument baisser les charges salariales. » On connaît le refrain du patronat. Le constat est qu’aujourd’hui le bassin économique des P.-O. s’est fragmenté dans une offre parcimonieuse, où émergent les services (58% de l’emploi) et le médico-social. « Sauf qu’ils créent des postes précaires », rétorquent les syndicats.
Du côté des chômeurs, on sait de toute façon l’offre restrictive. Ainsi, l’agriculture, autrefois si prodigue en bras, représente aujourd’hui 31% des intentions d’embauches mais ne couvre que 22% du marché du travail. Le décalage est permanent. Reste, in fine, la variable politique, accusée en dernier ressort. « Si l’agglo et le conseil général travaillaient plus en concertation, certaines initiatives seraient créatrices d’emploi », embraye Alexis Melidonis. En bref, tous d’accord : c’est la crise économique qui gouverne.
L’Indépendant – Edition du 2 octobre 2014 – Vincent Couture