À cause du nombre important de dossiers en instance, les nouveaux retraités sont privés de droits et sans ressources. Insupportable après une vie de labeur.
Marie-Hélène est à la retraite depuis le 1er septembre dernier. Tout comme Patricia. Renée, elle, a dû attendre un an avant de percevoir ses premiers droits. Après des années de travail, elles sont privées de revenus et la retraite qui devait être synonyme de calme retrouvé ne rime qu’avec galère et débrouille… L’une vit grâce à ses économies, l’autre sur la retraite de son mari. Avec Noël et ses tentations qui arrivent à grands pas, le quotidien devient insupportable. Hier matin, elles manifestaient aux côtés des syndicats (CFDT, CGT, FGR, FO, FSU), de l’Union nationale des retraités et du parti communiste représenté par Nicolas Garcia, devant la Carsat (Caisse d’assurance retraite et de santé au travail). Leurs cas ne sont malheureusement pas isolés. En juin dernier, 11 000 dossiers étaient bloqués au niveau régional tandis que 2 600 demandes arrivent tous les mois dans les bureaux de la Carsat. Un encombrement tel que décision a été prise de fermer l’accueil physique afin de permettre aux agents de tenter de rattraper le retard. Les futurs retraités sont orientés vers un numéro de téléphone spécial ou une plate-forme internet. Un numéro qui ne répond pas toujours et un site internet qui reste inaccessible à ceux qui ne sont pas connectés. Résultat, même ceux qui ont pris la précaution de déposer leur dossier quatre mois avant la date de leur départ en retraite se retrouvent sans revenus.
Au RSA, faute de mieux À l’image de Renée, qui a donc dû attendre un an avant de percevoir ses premiers droits. Après avoir dépensé toutes ses économies pour vivre, cette jeune retraitée qui avait travaillé dans la grande distribution a dû se résoudre à demander le RSA (revenu de solidarité active) en octobre dernier… « En plus, comme je n’avais pas la notification de mes droits par la Carsat, je n’ai même pas pu percevoir ma retraite complémentaire », témoigne-t-elle. Comme elle, Marie-Hélène, une ancienne aide à domicile est privée de retraite et de complémentaire. « J’ai déposé mon dossier en juin dernier et j’ai pris ma retraite fin août. Depuis, je n’ai pas de nouvelles. Je sais juste que mon dossier a bien été reçu. C’est tout. Si je n’avais pas mon mari, je n’aurais plus rien pour vivre. Ce n’est pas facile tous les jours. Surtout que les factures continuent d’arriver, elles. Je ne sais pas comment je vais pouvoir faire plaisir à mes enfants et à mes petits-enfants pour Noël ». Des cas pourtant simples qui ne devraient pas poser tant de problème à la Carsat qui met souvent en avant la multiplication des cas compliqués (accidents de la vie, cotisations à plusieurs caisses…) pour justifier les difficultés de traitement des dossiers.
« Contre la déshumanisation » Après avoir insisté, les syndicalistes présents hier matin devant la Carsat ont finalement été reçus. L’occasion pour eux de mettre les points sur les “i”. « Nous ne sommes pas là pour manifester contre le personnel de la Carsat qui fait ce qu’il peut avec les moyens qu’on lui donne », insiste Jérôme Capdevielle (FO) avant d’ajouter, « nous nous battons contre la déshumanisation de ce service public ». « Les personnes qui partent à la retraite dans le Pyrénées-Orientales ont le plus souvent de petits revenus et il est inadmissible qu’ils en soient privés », ajoute Gérard Ribes (CGT). C’est pourtant bien ce qui arrive dans les Pyrénées-Orientales…
« L’accueil du public reprendra un jour par semaine à partir de janvier prochain » Une délégation de syndicalistes a donc été reçue par Chantal Bonnavent, responsable du cabinet du directeur régional de la Carsat ainsi que l’équipe de direction du bureau de Perpignan. « Depuis fin 2012, avec les retraites “carrières longues”, nous avons dû faire face à une forte augmentation du nombre de dossiers qui ont encore connu un bond début 2013 avec l’arrivée à l’âge de la retraite des enfants du baby-boom », a expliqué Chantal Bonnavent. Jusqu’à 11 000 dossiers ont ainsi été bloqués au niveau régional. Un retard qui aurait été rattrapé à en croire la Carsat. « La mobilisation de l’ensemble de nos services et la mise en place d’actions de simplification des procédures ont permis de ramener ce nombre à 7100 dossiers en instance fin novembre », communique ainsi la direction régionale. Laquelle compte arriver « à un stock de 6000 dossiers d’ici la fin de l’année », « ce qui devrait être facilité par des arrivées moins importantes au cours du dernier trimestre 2013 ». Optimiste, la Carsat annonce même qu’un « rétablissement de la situation peut donc être envisagé à échéance du premier trimestre 2014 ». Chantal Bonnavent a également affirmé que l’accueil physique reprendrait à Perpignan dès janvier à raison d’un jour par semaine. Pas sûr que ce soit suffisant pour recevoir tout le monde. A Perpignan, jusqu’à 1700 dossiers ont ainsi été en souffrance et la Carsat n’envisage pas d’embaucher durablement du personnel.
L’Indépendant – Edition du 10 décembre 2013 – Estelle DEVIC