Francis Grau, le délégué du personnel du site de Cerbère, et Jérôme Capdevielle soupçonnent les entreprises espagnoles de ne pas respecter la législation française. © M.-S. H.
Alors que l’activité de fret de la SNCF a été drastiquement réduite, le syndicat FO accuse les entreprises espagnoles de concurrence déloyale. Les services de l’Etat sont alertés.
Quand Francis Grau est arrivé à Cerbère, il y a 28 ans, la gare était une fourmilière. « A l’époque, 70 % du trafic ferroviaire entre l’Espagne et la France passait par ici. Mais aujourd’hui… ». Le délégué du personnel (FO), dans un geste circulaire, invite à constater le calme ambiant. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une quarantaine à travailler à la gare de fret.
Tout a commencé en 2005, avec l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire en France. « La société allemande Deutsche Bahn, qui est la première entreprise ferroviaire en Europe, a immédiatement été intéressée car cela fait longtemps que l’Allemagne a délocalisé sa construction automobile en Espagne : Ford, Opel, Volkswagen-Seat… DB, par l’intermédiaire de sa filière Euro Cargo Rail a commencé par remporter le trafic Ford entre l’Espagne et l’Angleterre, ce qui représentait entre 15 et 20 % du trafic à Cerbère ».
Pas encore de quoi s’inquiéter. D’autant que la particularité du site, c’est le travail complexe sur deux écartements de voies différents pour lequel les salariés de Fret SNCF sont des experts. « Euro Cargo Rail nous avait donc confié les manoeuvres au sol. Mais petit à petit, ils ont déployé leur toile d’araignée ».
Des contrôles demandés
Il y a d’abord eu la prise de contrôle de Transfesa, la société chargée du changement d’essieux, par la même Deutsche Bahn. Puis, en juillet 2011, l’attribution du transport Opel entre l’Espagne et l’Allemagne à Euro Cargo Rail. « Et Opel, c’est 50 % du trafic à Cerbère. Dès lors, Euro Cargo Rail était majoritaire et n’a plus voulu sous-traiter les manoeuvres au sol à la SNCF. Ce qui a conduit à la perte de 25 emplois, l’an dernier . Et le marché des manoeuvres a été attribué à l’entreprise espagnole de prestations ferroviaires, Slisa ».
Pour le syndicat, cela ne passe plus. « Pour travailler sur le territoire français, Slisa doit avoir des employés sous contrat français, donc respectant la législation. Ce qui ne semble pas du tout être le cas », intervient Jérôme Capdevielle, secrétaire général FO dans les P.-O. « Nous avons donc contacté la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, et nous avons demandé à ce que des contrôles soient faits. Car si cela était avéré, il s’agirait de concurrence déloyale. Or derrière, il en va de la survie d’une quarantaine de familles… ».
Et il y a urgence : les deux derniers marchés encore détenus par Fret SNCF à Cerbère, les transports entre Espagne et Allemagne de Wolkswagen-Seat et Ford, arrivent à échéance le 31 décembre prochain.
« Fret SNCF laisse faire »
Au-delà des soupçons portés sur le travail des salariés espagnols, le secrétaire général FO 66 Jérôme Capdevielle a également saisi le ministre du Travail, le ministre du Développement productif et le ministre du Transport pour les alerter sur la stratégie de Fret-SNCF. « La direction s’accommode très bien de cette situation puisqu’elle va dans le sens de sa restructuration et des 1 400 suppressions d’emploi programmées en 2012. Fret SNCF laisse faire et laisse ce site à l’abandon, les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité n’y sont plus garanties… Il faut donc que le gouvernement réagisse ».
L’indépendant – Edition du 2 août 2012 (Barbara Gorrand)