Rarement le contexte international aurait autant interféré dans les affaires intérieures françaises. La guerre froide vient d’éclater.
Une nouvelle fois, c’est Winston Churchill, qui n’est plus aux affaires, qui va tirer la sonnette d’alarme. Le 5 mars 1946, lors de son fameux discours de Fulton, nom de l’université du Missouri qui l’a invité, il est le premier à parler d’un rideau de fer qui est tombé de la Baltique à l’Adriatique
. L’Europe du Sud-Est a été partagée lors des accords de Moscou en octobre 1944. Le sort de la Pologne et de l’Allemagne, réglé à Yalta et à Potsdam en février et juillet 1945. Mais Staline en bon joueur d’échec pousse ses pions en Grèce et au Kurdistan iranien pour jauger la réaction des Alliés. Le Britannique s’en rend compte rapidement et en fait part aux autorités américaines dirigées alors par Truman.
Les relations entre les ex-alliés ne font que se dégrader courant 1946. Staline tient à son glacis (l’Europe de l’Est libérée-occupée par l’armée rouge). En février 1947, la Hongrie et la Pologne sont totalement communisées, suivies en juin par la Bulgarie et en juillet par la Roumanie.
Contrairement à 1919, les États-Unis ne retournent pas à leur isolationnisme. Ils décident de devenir le gendarme du monde et de s’opposer à l’extension du communisme. Le 12 mars 1947, la doctrine Truman est annoncée. Il s’agit d’aider économiquement l’Europe pour stopper l’offensive de Staline. Deux mois plus tard, les ministres communistes français et italiens sont renvoyés. La version concrète de la doctrine Truman est officialisée le 5 juin lors du discours du général Marshall à Harvard. Il s’agit du plan Marshall qui va consister à investir plus de 20 milliards de dollars pour relever les économies européennes.
Guerre froide et décolonisation
Le 12 juin, le plan Marshall est proposé à l’Europe entière, URSS comprise. Le 2 juillet, Moscou refuse l’offre, obligeant ses satellites à faire de même. Seule Prague est ouvertement intéressée car la Tchécoslovaquie n’est pas encore tombée sous la coupe du communisme. Elle le sera lors du « coup de Prague » en février 1948. Quant à Tito, il se tâte, préparant en secret son mouvement de balancier entre les deux grandes puissances émergentes.
Pour contrer le plan Marshall, Staline fonde le 5 octobre 1947 le Kominform, réminiscence du Komintern, lors de la conférence de Szklarska Poreba en Pologne, réunissant les PC d’URSS, de Bulgarie, de Hongrie, de Pologne, de Roumanie, de Tchécoslovaquie et de Yougoslavie. Mais une délégation française [1] et une italienne sont présentes, histoire de montrer aux Occidentaux que l’Union soviétique a les moyens de déstabiliser les démocraties de l’Ouest. Ce n’est donc pas un hasard si un mois plus tard de graves troubles sociaux éclatent en France et en Italie. Ces grèves politiques violentes de la majorité communiste de la CGT seront la goutte d’eau, entraînant le départ de Jouhaux et de ses amis du Bureau confédéral.
Mais Staline n’est pas homme à jouer avec les allumettes. Il n’a donc pas invité les PC chinois, vietnamien et grec en pleine lutte armée contre les occidentaux et leurs alliés locaux. Désormais, la guerre froide entre dans sa première glaciation. Le blocus de Berlin commence le 25 juin 1948. Il sera contré dès le lendemain par un gigantesque pont aérien américain qui durera jusqu’en mai 1949.
L’heure est aussi aux décolonisations qui paradoxalement sont aussi bien soutenues par Washington que par Moscou. Elles se font dans le sang et la douleur. En 1947, les Hollandais et les Français se livrent à d’horribles massacres en Indonésie et à Madagascar. Le 15 août de la même année, les Britanniques offrent l’indépendance à leur Empire des Indes, mais « diviser pour régner », à deux nations farouchement ennemies : Inde et Pakistan. La partition fera plus de 500 000 morts et 12 à 15 millions de déplacés. Même politique avec la Palestine. Le plan de partage voté par l’ONU le 29 novembre 1947 conduit à la naissance d’Israël le 14 mai 1948. Mais il conduira aussi à la première des nombreuses guerres israélo-arabes.
Le monde entre alors dans une nouvelle période tourmentée. En avril 1949, les Américains fondent l’OTAN. Cinq mois plus tard Mao proclame la République populaire de Chine et la première bombe atomique soviétique explose. En juin 1950, la guerre de Corée éclate opposant les anciens alliés de la Seconde Guerre mondiale.
Cette étude sera suivie par « La naissance de la CGT-FO, le contexte national ». |
[1] La délégation française est constituée de Jacques Duclos, Georges Cogniot et Étienne Fajon. Ces trois-là sont les oreilles de Moscou au sein de la direction du PCF. D’ailleurs Thorez lui-même s’en méfiait.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly