C’est au siège de FO et en amont de la manifestation parisienne, organisée dans le cadre de l’appel de la Confédération européenne des syndicats (CES) à se mobiliser contre l’austérité, pour les salaires et l’égalité femmes-hommes, que l’intersyndicale a tenu une conférence de presse, aux côtés et en présence d’une vingtaine de fédérations ou de confédérations syndicales d’Europe, ainsi que de la secrétaire générale de la CES, Esther Lynch. Le coup de semonce à Bruxelles est clair : dans aucun État-membre, les travailleurs ne toléreront que l’Europe soit de nouveau soumise à un régime d’austérité, avec la réactivation prévue en 2024 du Pacte de stabilité et de croissance, de surcroît avec des règles d’ajustements budgétaires plus strictes. Autrement dit, synonymes de moins d’emplois, de salaires plus bas et d’un sous-financement encore plus important des services publics.
Un millier de syndicalistes européens, représentant douze pays et une vingtaine de fédérations ou confédérations, comme la CGIL italienne, la CSC et FGTB belges, l’UGT et la CCOO espagnoles, le TUC britannique, le DGB allemand, le DISKI turc, l’USS suisse… Le nombre important de délégations étrangères dans les premiers rangs de la manifestation parisienne, organisée vendredi 13 octobre en réponse à l’appel à se mobiliser de la Confédération européenne des syndicats (CES), aura marqué la journée. Il témoigne du front uni qui traverse l’Europe syndicale, au-delà de l’actualité sociale des différents pays, pour dire non au retour des coupes budgétaires qui se mettent en place dans l’Union européenne. Le moment est décisif, alors que les chefs d’État et de gouvernement des 27 États-membres pourraient acter d’ici la fin de l’année, avant la réactivation prévue en 2024 du Pacte de stabilité et de croissance, la réforme de la gouvernance économique de l’Union européenne, avec de nouvelles règles d’ajustements budgétaires plus strictes.
Contrer le retour annoncé de l’austérité
A la base de cette mobilisation syndicale unanime, il y a un constat partagé dans tous les États-membres, a rappelé Esther Lynch, secrétaire générale de la CES, en ouverture de la conférence de presse organisée au siège confédéral de FO, dans une salle Léon Jouhaux comble. Toutes nos organisations sont préoccupées par le fait que ces nouvelles règles de gouvernance économique ne conduisent à une nouvelle austérité. Le premier objectif de cette journée, a-t-elle appuyé, est de mettre en garde les gouvernants sur les conséquences des nouvelles règles qu’ils vont mettre en place. Autrement dit, de les pousser à revoir leur copie, sous la pression des mobilisations de ce 13 octobre dans tous les pays européens. Premier coup de semonce des syndicalistes européens à Bruxelles, à quatre jours de la réunion du 17 octobre des ministres de l’Economie des 27 sur le sujet.
Il n’est pas trop tard pour changer le cours des choses, a appuyé la secrétaire générale de la CES, laquelle appelle à la suspension, une année supplémentaire, du Pacte de stabilité et de croissance, pour permettre un débat sur les alternatives possibles. Car, sous les nouvelles règles, tout État-membre dont le déficit budgétaire serait supérieur à 3% de son PIB serait obligé de réajuster le tir, par un ajustement budgétaire minimum de 0,5% de son PIB par an. Pour s’y conformer, la France devrait ainsi réduire, annuellement, ses dépenses de 13,2 milliards d’euros. Ce qui équivaut au montant nécessaire pour payer les salaires annuels de 370.000 infirmières, ou d’un demi-million d’enseignants.
Maastricht, un traité conclu au siècle dernier
Les questions d’austérité sont déterminées par les critères du traité de Maastricht. Un traité conclu au siècle dernier au moment où il n’y avait ni digitalisation de l’économie ni transition écologique à mener. Un traité conclu avant la pandémie et la flambée des prix de l’énergie, a rappelé Marie-Hélène Ska, secrétaire générale du CSC belge, exigeant la réévaluation de la politique budgétaire européenne pour permettre d’investir. De financer une transition juste et des services publics de qualité. Nous manquons de bras dans la petite enfance, l’enseignement, les soins de santé. Nous manquons de conducteurs de trains, d’agents pénitentiaires et beaucoup de travailleurs sont en souffrance. Si on veut garder tout le monde à bord face aux transitions qui nous attendent (…), les États doivent pouvoir s’endetter dans une certaine mesure,
a-t-elle ajouté.
Pepe Alvares, secrétaire général de l’UGT espagnol, a rappelé, de son côté, combien la suspension des règles du Pacte de croissance et de stabilité, en mars 2020 en raison de la pandémie, s’est révélée efficace. Parce qu’elle a permis des mécanismes européens de solidarité, de protéger les emplois, de soutenir une reprise économique post pandémie plus rapide. Au contraire, a-t-il martelé, les politiques d’austérité fracassent l’Union européenne et ses travailleurs. Elles sont un choix politique qui conduit à la pauvreté, a renchéri Gloria Mills, présidente du Comité des femmes de la CES.
L’appel à plus de justice sociale, par une hausse des salaires et l’égalité femmes-hommes
Le refus du tour-de-vis austéritaire s’est exprimé avec la même détermination dans les rangs des huit organisations syndicales françaises composant l’intersyndicale, toutes présentes à la tribune, où elles se sont exprimées l’une après l’autre. Sur la nécessité d’une économie qui donne des résultats concrets aux travailleurs, par des emplois de qualité, des salaires plus élevés, une réelle égalité professionnelle femmes-hommes. Sur le besoin d’investissements dans les services publics. Sur l’impératif d’un nouveau partage des richesses pour les travailleurs, plus que jamais nécessaire alors que certaines entreprises profitent de l’inflation pour réaliser d’indécents profits et que 2023 s’avère être, pour les grands groupes du CAC 40, une année de dividendes-records reversés aux actionnaires.
Toutes les revendications de la CES, contre l’austérité, pour la hausse des salaires et l’égalité femmes-hommes, FO les partage. L’austérité du Pacte européen nous la vivons, et pas que cette année. La dernière réforme des retraites en France en est une des conséquences. Notre protection sociale collective et nos services publics ont été, et restent, les premières variables d’ajustement. L’hôpital public en est l’exemple. Or, quand il n’y a plus de services publics, nous les travailleurs, nous n’avons plus rien, a martelé le secrétaire général Frédéric Souillot. Concernant l’égalité femmes-hommes, laquelle était une priorité annoncée de l’exécutif en 2017, il a annoncé la volonté de FO de saisir la justice s’il le faut, pour contraindre la France à appliquer la directive européenne destinée à contraindre les employeurs à la transparence salariale sur le sujet : alors qu’elle a été adoptée en mars dernier, l’exécutif en prévoit l’application… en 2026.
A quelques jours d’une conférence sociale sur les salaires et les déroulés de carrière, les huit organisations ont réaffirmé leur volonté d’obtenir des mesures contraignantes pour les entreprises sur le pouvoir d’achat des salariés et l’égalité salariale. En clair, une augmentation des salaires et la conditionnalité des aides et/ou exonérations de cotisations sociales accordées aux employeurs. Pour FO, comme l’a rappelé Frédéric Souillot, la hausse des salaires passe par le retour de leur indexation sur l’inflation, comme c’était le cas en France jusqu’en 1983. A la conférence sociale, FO parlera salaire de l’entrée au dessert, et bien évidemment nous parlerons de tout : d’évolution professionnelle, d’emploi, a-t-il garanti. De tout, sans oublier les salaires de la Fonction publique, sujet que l’exécutif a exclu de la journée. Il n’est pas normal que l’État, employeur public, ne soit pas lundi autour de la table, appuyait Frédéric Souillot.