La direction de la SNCF pourrait mettre la moitié des trains en circulation dès le 11 mai, puis monter en puissance jusqu’à l’été. Or elle admet être incapable d’assurer une distanciation sociale entre les passagers. Pour FO-Cheminots, il n’y aura pas de reprise sans moyens de protection satisfaisants pour les agents face au risque sanitaire.
Les cheminots manquent de moyens de protection efficaces face au Coronavirus, une reprise de l’activité dans les conditions actuelles n’est pas acceptable, prévient Daniel Ferté, secrétaire général adjoint de FO-Cheminots. Pour l’instant ça tient car il y a très peu de gens dans les gares et les trains et qu’il est possible de pratiquer la distanciation sociale. Mais s’il y a des centaines de milliers de gens en plus au 11 mai, nous n’aurons plus les moyens de le faire. Le risque, sans le triptyque masques, gel hydroalcoolique et lingettes virucides, c’est un droit de retrait généralisé.
Durant la période de confinement, la circulation des TGV et Intercités est tombée à 6 % ou 7 % du trafic normal. Elle s’élève aux alentours de 15 % pour les TER et de 25 % pour les Transiliens. Dès le 11 mai, date prévue du déconfinement, la direction de la SNCF pourrait remettre la moitié de ses TGV sur les rails et même 70 % des trains en région parisienne. C’est ce qu’a laissé entendre le secrétaire d’État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, le 24 avril sur BFMTV.
Il y aurait ensuite une reprise progressive du trafic pour atteindre 100 % des TGV au début de l’été. Il y aurait même des trains dès le 8 mai, ajoute Daniel Ferté. Si c’est pour emmener des gens en week-end, ce serait scandaleux.
En prévision de la reprise des déplacements, le patronat des transports publics – dont celui de la SNCF – a écrit le 17 avril au Premier ministre pour exiger le port obligatoire du masque pour tous les usagers des gares, trains, bus, stations et rames de métro… Ce courrier est un aveu : le patronat est incapable d’assurer une distanciation sociale dans les transports, et cela s’ajoute à son incapacité à protéger efficacement les salariés
, dénonce la fédération FO-Cheminots.
Disparition des stocks
Ils veulent que chaque passager ait un masque, mais de quel type, est-ce qu’une écharpe suffira ? s’interroge le numéro deux de la fédération. Il y a un très haut niveau d’amateurisme. Les contrôleurs, eux, seront bien obligés de traverser le train pour des raisons de sécurité. Pour la sûreté ferroviaire, ils sont obligés d’aller au contact aussi, c’est un vrai problème.
Depuis le début de la crise sanitaire, FO dénonce un matériel de protection inexistant ou en quantité insuffisante, faisant courir un risque pour la santé des salariés. On a un référentiel pandémie depuis la grippe aviaire, tout avait été mis en place pour faire face à une crise sanitaire d’ampleur, poursuit Daniel Ferté. Il prévoit des masques de type FFP2, des lingettes virucides et du gel en quantité suffisante. Sauf que dès le 4 mars, une mention a stipulé que les dispositions établies par la task force Covid-19 primaient sur les dispositions réglementaires. Résultat, on a seulement des masques chirurgicaux et c’est la croix et la bannière pour avoir du gel. Et quand on demande à la direction où sont passés les stocks, on n’a pas de réponse.
Pour protéger les salariés, des élus FO ont déposé plusieurs droits d’alerte auprès des directions régionales. L’inspection du travail a confirmé des manquements de l’employeur dans la protection des cheminots exposés au risque de Covid-19 sur les périmètres des CSE du TER Auvergne-Rhône-Alpes et l’axe TGV Sud-Est.
FO demande une reconnaissance automatique de maladie professionnelle
Durant la période de confinement, les cheminots placés en chômage partiel conservent 100 % de leur rémunération. Ceux qui travaillent ont des journées allégées. Les pertes de primes sont compensées par une indemnité de service restreint. Mais tous les salariés doivent donner cinq jours de repos, une décision dénoncée par FO. Ces jours sont aussi pris à des gens envoyés au charbon pendant cette période, et bien souvent sans les moyens de protection nécessaires, dénonce Daniel Ferté. C’est la double peine.
Le militant estime entre 2 500 et 3 000 le nombre de cheminots malades du Covid-19.
FO-Cheminots a écrit le 24 mars au secrétaire d’État aux Transports pour demander une reconnaissance automatique de maladie professionnelle pour les salariés de la branche ferroviaire et de la restauration ferroviaire infectés par le Coronavirus et appelés à travailler au cours de cette période. Pour l’instant, celle-ci n’est accordée qu’aux soignants. On n’a pas eu de réponse
, déplore Daniel Ferté. Demande réaffirmée par la Commission exécutive confédérale FO, réunie le 20 avril, qui soutient la reconnaissance en maladie professionnelle du Covid-19 pour les salariés exposés dans le cadre de leur activité.
La fédération FO-Cheminots est d’autant plus remontée que le patronat des transports publics précise dans son courrier au gouvernement qu’assurer la distanciation sociale demande des moyens humains énormes et serait onéreux en argent public. Or, rappelle Daniel Ferté, en vingt ans, 45 000 postes ont été supprimés à la SNCF
. FO-Cheminots souligne aussi qu’un véritable service public du transport ferroviaire coûte cher et ne peut être compatible avec la course à la rentabilité
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Dans un courrier adressé début avril au P-DG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, le secrétaire général de FO-Cheminots, Philippe Herbeck, rappelait que l’entreprise n’est pas dans une situation économique ou financière fragile : nous avons versé plus de 500 millions d’euros de dividendes à notre actionnaire au titre de 2019 et cet actionnaire, c’est l’État
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La crise sanitaire n’a d’ailleurs pas empêché la SNCF de poursuivre ses affaires et de signer son entrée sur le marché espagnol le 13 avril, pour y exploiter dès l’hiver prochain des lignes à grande vitesse low cost…
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly