Moins de 5 milliards d’euros. L’effort public consenti pour relancer le transport par rail n’est qu’une goutte d’eau en comparaison de la dette de la SNCF, qui a encore enflé sous le coup de la crise sanitaire, atteignant plus de 38 milliards en juin. En revanche, le désengagement de l’État s’accélère dans le cadre de la dernière phase de l’ouverture à la concurrence.
Le plan de relance de l’économie française, présenté le 3 septembre par le gouvernement, concerne aussi le transport ferroviaire. L’objectif affiché est de contribuer à régénérer et moderniser le réseau national le plus circulé
avec un <effort particulier pour la protection de l’environnement, en développant notamment les techniques autres que l’utilisation du glyphosate pour le désherbage sur les voies.
Il s’agit aussi de réinvestir, aux côtés des régions, dans les lignes de desserte fine du territoire pour augmenter l’offre dans les territoires moins denses et mieux les relier aux zones urbaines, notamment lorsqu’il n’existe pas d’autre mode de transport adapté.
, avec pour enjeu le désenclavement
et l’équilibre territorial
.
Il est également prévu de développer le fret ferroviaire, d’améliorer la qualité d’accueil et la sécurité dans les gares, de sécuriser davantage les passages à niveau, de redévelopper les offres de trains de nuit…
4,7 milliards d’euros….
La liste des objectifs peut sembler impressionnante. Le budget annoncé pour les concrétiser l’est beaucoup moins. Au total, l’effort d’investissement supplémentaire de l’État s’élèvera à 4,7 milliards d’euros entre 2020 et 2022. Une goutte d’eau en regard de la dette de la SNCF.
Celle-ci, qui s’élevait déjà à 46, 6 milliards d’euros fin 2017, atteignait 60,3 milliards au 31 décembre 2019. Certes le gouvernement en a repris une partie à sa charge, à hauteur de 25 milliards. Il l’a fait à compter du 1er janvier dernier, c’est-à-dire très exactement à la date où l’ex- groupe public (structuré en trois EPIC) est devenu une société anonyme à capitaux public qui n’embauche plus de cheminot au statut, comme prévu par la réforme de 2018 (Le nouveau pacte ferroviaire). Le Président Emmanuel Macron l’avait clairement indiqué il y a deux ans : l’État ne reprendrait une part substantielle
de la dette, qu’une fois la réforme totalement entrée en vigueur. Et c’est bien ainsi que les choses se sont déroulées.
Il reste que la crise sanitaire, qui elle n’était pas prévue, a entraîné de nouvelles pertes particulièrement lourdes. Résultat : alors que l’objectif était de réduire la dette de la SNCF à 35,3 milliards en 2020 grâce à sa reprise partielle par l’État, elle s’élevait déjà à 38,3 milliards au 30 juin. Il est aussi programmé depuis 2018 que l’État prenne à sa charge une deuxième tranche de 10 milliards, mais seulement en 2022.
Une dette d’État
« Au vu du niveau d’endettement de l’entreprise, le plan de relance ne change pas grand-chose. Notre revendication reste la même depuis des années : l’État doit reprendre intégralement la dette de la SNCF. Il s’agit bel et bien d’une dette d’État due à de mauvais choix stratégiques, en particulier celui du “tout TGV“,, commente Daniel Ferté, secrétaire général adjoint de la fédération FO Cheminots.
De plus, on peut comprendre que l’expérience du fret ferroviaire, première activité à avoir été ouverte à la concurrence (en 2003 pour le transport intérieur et en 2006 pour les lignes internationales), n’inspire pas confiance aux cheminots. En effet, alors que les autorités se vantaient déjà de vouloir la relancer en 2018, dans le cadre du nouveau pacte ferroviaire, cela se solderait au final, selon des chiffres communiqués par la direction en juin 2019, par quelque 2 000 nouvelles suppressions de postes entre 2020 et 2023 au sein de Fret SNCF, désormais filiale de la SA SNCF. Pour mémoire les effectifs ont déjà lourdement chuté, passant d’environ 10 000 salariés au début des années 2000 à quelque 6000 à l’heure actuelle.
L’ouverture à la concurrence entre dans sa phase finale
C’est dans ce contexte que l’ouverture à la concurrence entre dans sa phase finale, en application des directives européennes et comme prévu par la réforme de 2018. Après le fret en 2003 et 2006 puis le transport international de voyageurs en 2009, c’est en effet désormais le tour du transport intérieur de voyageurs.
A partir de décembre prochain, d’autres opérateurs que la SNCF seront ainsi autorisés à faire circuler des trains, y compris des TGV, sur le réseau ferroviaire intérieur. Depuis décembre 2019 déjà, les régions et l’État ont la possibilité de lancer des appels d’offres pour l’exploitation des lignes des trains subventionnés (Ter, Intercités). En 2023, cette possibilité deviendra obligation, et ce pour toutes les lignes.
L’État et les régions ont déjà annoncé plusieurs appels d’offres ces derniers mois. Le 27 juillet dernier, le gouvernement a ainsi transmis le cahier des charges aux candidats en lice pour exploiter les lignes Intercités Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon, à savoir Transdev et la SNCF.
Que deviennent les effectifs de la nouvelle SA SNCF dans le cas où elle perd un marché ? La réforme de 2018 prévoit que les cheminots volontaires
(disons plutôt soucieux d’éviter le chômage) soient transférés dans l’entreprise qui a emporté le contrat. Ils ne seraient alors plus couverts par le statut actuellement toujours appliqué à la SNCF (puisque la loi de 2018 ne l’a supprimé que pour les nouvelles embauches), mais par les garanties minimales du Code du Travail et celles de la nouvelle convention collective de branche … Une convention collective toujours en cours de négociation et de toutes les façons vouées à être bien moins-disante que le statut, dénonce FO.
Si la SNCF remporte le marché, les cheminots restent logiquement couverts par le statut. La fédération FO craint néanmoins que cette ultime garantie ne vole en éclat dans les cas où le groupe SNCF, plutôt que de répondre directement aux appels d’offres, postule via de nouvelles entités créées pour l’occasion.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly