Placé en redressement judiciaire fin juin, le sous-traitant automobile situé dans le Doubs connaîtra le 23 juillet le nom des éventuels candidats à sa reprise et le contenu de leur offre. Seule certitude, l’actuel directeur général de cette usine emblématique, fondée en 1830, est sur les rangs.
C’est un retour devant le tribunal qui sonne comme une funeste redite. Deux ans et demi après son rachat par le groupe de forges et fonderies Farinia à la barre du tribunal de commerce de Grenoble, le devenir de l’usine Peugeot Japy située à Valentigney (Doubs) se dessinera cette fois devant le tribunal de commerce de Paris. Jeudi 23 juillet, les 245 salariés du fabriquant d’éléments de boîtes de vitesse, qui a été placé en redressement judiciaire fin juin avec une période d’observation de six mois, connaîtront les candidats officiels à une reprise et le contenu de leur offre éventuelle.
La veille des vacances d’été
Fin juin, trois marques d’intérêt
avaient été annoncées, émanant respectivement du sous-traitant automobile GMD, du directeur de l’usine Thierry Chevrier et de l’entrepreneur Jérôme Rubinstein. Depuis lors, on a peu avancé. Les visites de l’usine se succèdent. Mais à ce jour, il n’y a qu’une seule offre concrète de reprise, celle du directeur actuel de l’usine. Et nous ne connaissons pas son contenu industriel et financier, ni le nombre de salariés qu’il envisage de reprendre
, explique Marc Sivric, délégué syndical de FO, ultra-majoritaire avec 75% des suffrages aux dernières élections.
L’annonce interviendra dans un contexte particulier, puisque le lendemain de la date-limite de dépôt des offres de reprise, l’usine ferme pour trois semaines de congés d’été. Les salariés vont partir avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Rares sont les reprises sans aucune réduction des effectifs
, explique Marc Sivric, qui décrit des salariés peu optimistes pour l’avenir
. On le serait à moins : ces deux dernières années, ils ont vécu trois plans de réductions des effectifs et vu partir les principaux clients.
L’impact de la crise sanitaire
La crise sanitaire, qui s’est traduite par l’asséchement des commandes et, par conséquent, deux mois pleins d’inactivité, a fait basculer un édifice fragile. Pour la direction du groupe Farinia, elle est la cause première du dépôt de bilan et de la mise en redressement judiciaire. En deux ans, le chiffre d’affaires de l’usine fondée en 1830 par la famille Peugeot et qui porte toujours son nom (bien qu’il n’y ait plus de lien capitalistique depuis le début des années 2000) a chuté quasiment des deux-tiers : il est passé de 95 millions d’euros à 35 millions d’euros.
Pour FO, ce sont les erreurs de gestion et la politique commerciale de Farinia qui sont en cause. Elles se sont traduites par la perte de deux des trois principaux clients. Le contrat avec General Motors, qui représentait un bon tiers de l’activité de Peugeot Japy, s’est achevé fin 2019. Celui avec Bosch, qui pèse 10% de l’activité, se termine fin décembre 2020.
Un parc rénové de machines
Le groupe Farinia n’a pas réussi à trouver d’autres clients malgré 12 millions d’investissements sur le site de Valentigney, situé à 10 kilomètres de Montbéliard. Les investissements ont permis de renouveler le parc de machines. C’est déjà une bonne chose, même si beaucoup de ces machines-outils sont en leasing
, commente Marc Sivric.
La situation fait aujourd’hui du groupe PSA le client à 90%
de Peugeot Japy. Sauf que, précise le délégué FO, les contrats avec le constructeur français arrivent eux-mêmes à échéance en avril 2021. Le sort de Peugeot Japy est entre les mains de PSA
, martèle le militant. Peugeot Japy fournit les usines PSA de Valenciennes (Nord), de Metz-Trémery (Moselle) et un site Opel situé à Aspen en Autriche.
Des effectifs diminués de moitié en deux ans
Les salariés ont déjà été mis lourdement à contribution lors de la restructuration engagée depuis deux ans. Au travers de trois plans de réduction d’emplois, les effectifs ont été diminué de moitié, passant de 500 salariés permanents et intérimaires à 245 aujourd’hui, tous en CDI.
Dans le détail, le groupe Farinia a d’abord procédé à 28 licenciements dans la foulée de la reprise en 2018 (dont 21 sous forme de départs volontaires), et ce, alors qu’il s’était engagé lors de sa première offre à reprendre l’ensemble des salariés. Ensuite, il s’est séparé de tous les intérimaires (200 personnes), puis de 55 CDI.
Un accord de performance collective (APC) a également été signé en 2018 (pour deux ans) afin de suppléer à cette baisse des effectifs, en augmentant le temps de travail dans l’usine qui fonctionne déjà en 3X8, 7 jours sur 7. Les salariés ont perdu 9 jours de RTT sur 15. Ceux-ci ont été monétisés avec, pour effet, une hausse de 8 à 12% des salaires. Malgré tous ses efforts, le devenir des travailleurs de Peugeot Japy relève de nouveau d’un tribunal de commerce.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly