Le Havre, Paris, Marseille, Saint-Brieuc… Depuis mai, à l’appel de FO, les salariés des Monoprix multiplient les actions, exigeant une vraie reconnaissance par la rémunération. En toile de fond du mécontentement, l’attitude du groupe Casino qui détient l’enseigne.
On est tous ensemble, du Nord au Sud, sourit Luisa Ferreira, déléguée syndicale FO Monoprix Le Havre. Depuis plusieurs semaines, une large mobilisation secoue les magasins de l’enseigne, de la Normandie à Paris, en passant par Marseille ou Saint Brieuc. La colère couvait depuis longtemps dans les rayons, notamment depuis les NAO infructueuses. « On nous a donné que des miettes, grince la militante. Des augmentations individuelles donc à la tête du salarié, une augmentation prime vacances à hauteur de 1,25 euro par mois, soit 15 euros par an, pas d’augmentation de la prime de transport qui n’est que de 4 euros par mois … À l’appel de FO, plusieurs mouvements et mobilisations se tiennent ainsi depuis la fin mai dans plusieurs magasins Monoprix, enseigne appartenant au groupe Casino.
Suppression de l’intéressement, la goutte de trop
Aussi, lorsque les salariés ont appris que l’intéressement serait de zéro cette année, la colère a explosé. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, témoigne Carole Prioult, secrétaire du syndicat des employés et cadres du commerce de Paris. Cette prime correspond à un Smic et on l’attend toujours avec impatience, s’emporte Nour-Eddine Djemai. Le salarié du magasins Belvédère (Paris XIXe) et militant FO a fait grève le 1er juin avec d’autres camarades.
Quelques jours auparavant, le 25 mai, et pour les mêmes raisons, les 84 employés de Monoprix au Havre se mobilisaient. Dans le magasin, il y a peu de contrats de 35 heures, beaucoup de salariées sont à temps partiel. Ce sont souvent des mères seules. Cette participation, si elle ne permet pas de partir en vacances, permet entre autres à ces salariés de s’octroyer de petits luxes, comme un cinéma ou un restaurant. Ne rien avoir cette année alors que l’enseigne a fait des bénéfices, c’est incompréhensible, s’indigne Luisa Ferreira. En plus d’un débrayage de 11h à 13h, un préavis de grève a été déposé sur la journée. En tout, une soixantaine de salariés sont sortis. Une mobilisation plus que réussie, indique la militante.
Naissance d’un rapport de force
L’enseigne Monoprix, a fait des bénéfices, mais cet argent a été reversé aux autres enseignes du groupe Casino qui sont en difficulté, s’irrite Luisa Ferreira. Endetté, le groupe Casino, passé en mars sous le contrôle d’un consortium mené par Daniel Kretinsky, a décidé fin 2023 la cession de la quasi-totalité de ses supermarchés et hypermarchés. Un démantèlement entraînant un PSE qui impacterait d’un millier à plus de 3000 emplois. Pour Audrey Ricci, secrétaire adjointe de la Section fédérale du Commerce & VRP. Ces groupes se restructurent en vases communicants pour faire des économies. Lorsqu’il faut faire des économies, toutes les enseignes sont mises à contribution, mais lorsqu’il faut partager les bénéfices, là c’est une autre affaire !
Ces mobilisations, c’est l’expression de notre colère : nos efforts ne doivent pas payer la mauvaise gestion du groupe, proteste Luisa Ferreira. D’autant qu’avec le contexte, on est dans une instabilité qui fait souffrir les travailleurs. La militante le sait, il est trop tard pour récupérer cette prime. Mais un rapport de force est né. Et des liens aussi. Un groupe de discussion a d’ailleurs été créé entre plusieurs responsables syndicales de magasins pour échanger et mobiliser. On a même été contacté par des magasins qui n’avaient pas une présence FO et qui nous posaient des questions sur notre mobilisation, sourit-elle.
Un bonus JO, faible et porteur d’inégalités
Le malaise des salariés a été porté jusqu’au CSE central au début du mois de juin. Mais là encore la réponse de la direction n’a été que silence et mépris, souligne Carole Prioult. Alors qu’approchent les Jeux Olympiques et Paralympiques, la direction a décidé unilatéralement d’accorder un bonus de 40 euros par mois pour ceux qui travailleront durant l’été. Et ce bonus sera accordé selon le chiffre d’affaires réalisé par rayon !, s’indigne la militante. Des salariés qui vont avoir les mêmes conditions de travail difficiles avec du temps de transports supplémentaires, des livraisons la nuit, la foule dans les magasins…, n’auront pas tous le bonus selon l’endroit où ils travailleront.
FO avait demandé de son côté une prime JO de 1 500 euros pour les salariés alors que ces Jeux vont bousculer les conditions de travail. Nous avons demandé ce montant après avoir regardé ce qui avait été accordé aux salariés dans d’autres secteurs, eux aussi impactés par les JOP, souligne Carole Prioult.
Face à un mécontentement qui perdure dans les magasins, la mobilisation se poursuit. La date du 20 juin a d’ores et déjà été arrêtée pour certains magasins parisiens. Et la possibilité de mener des actions durant les JO n’est pas exclue, met en garde la militante.
Ces salariés étaient déjà en première ligne lors du Covid. Sans compter qu’ils se sont serré la ceinture dans le cadre des difficultés de Casino. Et là, on leur demande une nouvelle fois de sacrifier leurs conditions de rémunération ?! Ce n’est plus tenable, insiste Audrey Ricci.
Pouvoir vivre de leurs salaires et n’ont pas survivre, voilà ce qu’exigent les travailleurs de ces magasins. Certains nous disent avoir des difficultés à faire trois repas par jour…, indique Carole Prioult. On veut vivre dignement de notre travail, là ce n’est pas le cas. Alors on se bat pour y parvenir, appuie Luisa Ferreira.