Alors que la définition du harcèlement sexuel, déclarée inconstitutionnelle pénalement par décision n°2012-240 du 4 mai 2012, fait l’objet de nouveaux débats parlementaires, le harcèlement moral fait également parler de lui.
En effet, d’une part, une question prioritaire de constitutionnalité a été transmise à la Cour de cassation par le tribunal correctionnel d’Épinal le 10 mai 2012 (AEF n°166592), afin de tenter de faire subir le même sort à la définition du harcèlement moral qu’à celle du harcèlement sexuel, même si elle est toutefois plus précise.
Et d’autre part – et c’est l’objet de cet article juridique de FO Hebdo –, par une décision du 6 juin 2012, la Cour de cassation admet la possibilité de cumuler plusieurs indemnisations en matière de reconnaissance de harcèlement moral (pourvoi n°10-27694). Dans cette affaire, un salarié protégé (agent de la RATP) avait été réformé avec l’autorisation de l’inspection du travail à la suite d’un avis d’inaptitude à son poste. Il avait alors saisi la justice, notamment sur les fondements de harcèlement moral et de discrimination syndicale, considérant en effet :
– qu’il a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur ;
– que ce dernier n’a pas respecté son obligation de prévention, et invoquant de ce fait la nullité de son licenciement.
La cour d’appel fait droit à ses demandes sur le fondement de la nullité du licenciement et accorde au salarié des dommages et intérêts, mais également des dommages et intérêts sur le fondement du harcèlement moral, et d’autres encore sur la violation par l’employeur de son obligation de prévention de harcèlement moral.
L’employeur forme alors un pourvoi en cassation sur deux fondements : d’une part, il ne peut y avoir cumul d’indemnités « pour un même fait » puisque le harceleur et la personne chargée de la prévention du harcèlement étaient une seule et même personne ; d’autre part, il ne peut y avoir nullité du licenciement puisque l’inspection du travail a accordé l’autorisation administrative de licenciement.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, mais uniquement en ce qui concerne la nullité du licenciement. En effet, dans la mesure où l’inspection du travail a autorisé le licenciement, les juridictions judiciaires ne peuvent remettre en cause cette autorisation : « Attendu que si elle ne prive pas le salarié du droit de demander réparation du préjudice qui est résulté du harcèlement moral dont il a été victime, l’autorisation de licenciement accordée par l’autorité administrative ne permet plus au salarié de contester la cause ou la validité de son licenciement en raison d’un harcèlement. »
Mais, et c’est novateur, la Haute cour ne censure pas la cour d’appel sur le cumul des différentes indemnités. En l’espèce, le salarié avait demandé des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1152-1 du Code du travail au titre du harcèlement moral subi, mais également sur le non-respect par l’employeur de son obligation de prévention de harcèlement imposée par l’article L. 1152-4 : « Attendu, ensuite, que les obligations résultant des articles L. 1152-4 et L. 1152-1 du Code du travail sont distinctes, en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques. »
Il sera toutefois nécessaire de rapporter la preuve de deux préjudices distincts…
Dernière minute :
L’obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et des agissements de harcèlement sexuel instituée par l’article L. 1153-1 du même code et ne se confond pas avec elle. Ainsi, le manquement à l’obligation de sécurité ne peut être écarté au seul motif que le harcèlement sexuel n’est pas retenu (Cass. soc., 8-7-20, n°18-24320). |
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly