Un mois et demi après le déconfinement, l’activité ne reprend que très progressivement dans les transports. Economiquement, le secteur ne sort pas indemne de la crise sanitaire. Pour FO, il est hors de question de faire payer la crise aux salariés.
Des milliers d’emplois sont en jeu dans le secteur aérien, les avions ayant été cloués au sol par la crise sanitaire. L’activité est tombée à 3% pendant le confinement et les meilleures perspectives tablent sur 60% pour fin 2020, explique Jean Hédou, secrétaire général de la fédération du transport et de l’équipement FEETS-FO. Une majorité de salariés est encore au chômage partiel.
L’exécutif a débloqué début juin une aide de 15 milliards d’euros pour la filière aéronautique, dont 7 milliards pour Air France. En contrepartie, la compagnie doit réduire ses coûts et moins polluer. Il lui est notamment demandé d’arrêter les vols domestiques pour lesquels il existe une alternative ferroviaire en moins de 2h30.
Air France dévoilera le 3 juillet ses orientations stratégiques et les conséquences sur l’emploi lors d’un CSE extraordinaire. Le plan de restructuration pourrait toucher jusqu’à 10 000 emplois. Le 22 juin, une intersyndicale à laquelle participe FO, numéro un chez Air France, a demandé à être reçue par le gouvernement pour préserver l’outil industriel et ses emplois à court et long terme
.
Réaction en chaîne, tout le secteur est touché par cette baisse d’activité. Des suppressions de postes sont aussi évoquées chez Aéroports de Paris ou Airbus. Exploitant la crise liée au coronavirus, la compagnie low cost Ryanair a de son côté menacé mi-mai de licencier 27 hôtesses et stewards si le syndicat FO, majoritaire, n’acceptait pas des baisses des salaires de 10 % pour les chefs de cabine ou une baisse du temps de travail à 80% pour les hôtesses et stewards, déjà payés au Smic. L’entreprise a pourtant enregistré un milliard d’euros de bénéfices en 2019 (+13%) et bénéficié d’aides publiques dans le cadre de la crise sanitaire. Le syndicat FO est déterminé à se battre pour sauver l’emploi et les salaires. Il n’a plus de nouvelles de la direction sur ce dossier depuis le 18 mai.
Un trou de 4 milliards d’euros à la SNCF
Les patrons du secteur pratiquent un impitoyable chantage à l’emploi, ils usent et abusent des accords de performance collective, dénonce de son côté Jean Hédou. [Ces derniers] se soldent inéluctablement par des pertes de salaires considérables, des suppressions de primes, des gels de grilles de salaires et de primes d’ancienneté.
A propos des aides d’État, il dénonce un saupoudrage financier vis-à-vis d’une partie des entreprises du secteur
. Plutôt que laisser faire le marché, la fédération exige du gouvernement une véritable politique de sauvegarde du secteur
et demande également à être reçue.
Sur les rails, l’activité est quasiment revenue à la normale. La SNCF multiplie même les promotions pour inciter les voyageurs à reprendre le train cet été. Durant le confinement, seulement 7% des TGV ont circulé et ils n’ont transporté que 1% de la clientèle habituelle. La compagnie ferroviaire estime à 4 milliards d’euros le manque à gagner lié à l’épidémie. Le P-DG a appelé en mai l’État à élaborer un plan de relance pour le ferroviaire, fret et réseau. Il avait aussi annoncé sur France Inter que la question de l’emploi n’était pas un sujet tabou. Si la reprise est lente et si nous produisons moins de trains que par le passé, il ne sera pas anormal ou illogique d’ajuster le niveau d’emploi au volume d’activité
, a-t-il affirmé. Les éventuelles suppressions de postes se traduiraient pour l’essentiel sur le niveau d’embauches. La crise a bon dos
avait réagi FO cheminots.
Le secrétaire d’État chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a assuré le 17 juin que l’État serait au côté de la SNCF pour résorber les quatre milliards de pertes dus au coronavirus. S’il parle désormais plutôt d’embauches, le P-DG a évoqué mi-mai dans le JDD un plan d’économies de plusieurs centaines de millions d’euros, portant notamment sur les achats de matériel et les frais de fonctionnement.
Les chauffeurs de taxi et de VTC exsangues
La direction a dit qu’elle ne toucherait pas aux emplois de production, mais au niveau des sièges et de la direction, il y a un inventaire des postes à supprimer, explique Daniel Ferté, secrétaire général adjoint de FO-Cheminots. Pour nous, la crise sanitaire est un prétexte, le but est de préparer l’arrivée de la concurrence.
Il rappelle aussi que le nouveau pacte ferroviaire imposait déjà des économies sur le matériel et que tous les plans de performance avaient déjà été prévus avant le coronavirus, notamment la suppression de 2300 postes en deux ans dans le fret.
Nos revendications n’ont pas changé, nous refuserons les suppressions de postes, ajoute Daniel Ferté. Les agents ont déjà été envoyés au charbon sans protection, on leur a pris des jours de repos, ce n’est pas en plus à eux de payer la facture. On redoute que la direction s’attaque aussi aux conditions de travail. Lors du confinement et du déconfinement il y a eu une très grande flexibilité du personnel, et la direction a vu que c’était bien pratique. D’autant qu’un accord de 2016 signé par l’UNSA et la CFDT permet déjà de déroger à la réglementation du travail.
Dans les transports en commun, où la fréquentation a chuté d’environ 90%, le manque à gagner est également évalué à près de 4 milliards d’euros, entre l’absence du versement mobilité par les entreprises et une perte des recettes apportées habituellement par les usagers. En Île-de-France, ce trou atteint 2,6 milliards d’euros. La présidente de région a alerté sur une cessation de paiement dès le 8 juillet en l’absence d’une aide d’urgence de l’État. Elle menace d’augmenter le coût de l’abonnement mensuel et d’arrêter de payer la RATP et la SNCF. Tous les grands réseaux de transport public sont dans la même situation et se tournent vers l’État.
Malgré le déconfinement, les touristes tardent à revenir et les secteurs des taxis et VTC sont eux aussi exsangues. FO et d’autres organisations ont demandé début juin des aides de l’État. Elles revendiquent notamment l’intégration de ces professions au dispositif de soutien du tourisme, d’un montant de 18 milliards d’euros. Cela permettrait aux salariés de pouvoir bénéficier du chômage partiel jusqu’en décembre 2020 et aux employeurs d’une exonération de cotisations sociales. Des faillites ont déjà été constatées et de nombreux chauffeurs sont sur le point de rupture
, a alerté FO-VTC.
Avenir incertain pour Eurolines
Ce plan de soutien au tourisme bénéficie aux autocaristes, dont l’activité a repris progressivement fin juin pour Flixbus et Blablacar. En revanche l’avenir de la compagnie française Eurolines, qui emploie 115 salariés, est plus qu’incertain. Sa maison-mère, la compagnie Allemande Flixbus, qui l’avait rachetée à Transdev en avril 2019, a demandé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire. Profitant du Covid-19, FlixBus met le coup de grâce à la société Eurolines pour (…) se débarrasser de dizaines de salariés aux frais de la collectivité
, dénoncent trois syndicats dont FO dans un communiqué. Si la liquidation est actée, les salariés seront licenciés et partiront avec le minimum légal. Parmi eux, les 60 à 70 salariés déjà concernés par un PSE pourraient perdre les indemnités supra-légales négociées par les syndicats.
Les syndicats affirment que Flixbus a refusé de chercher un repreneur
et veut se débarrasser d’une coquille qu’il a lui-même vidée en remplaçant petit à petit les quelques lignes de cars Eurolines qu’il avait gardées par celles de FlixBus et en récupérant la clientèle habituée à voyager en bleu-blanc-rouge.
Le 24 juin, au lieu de la liquidation judiciaire, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la poursuite d’activité sous administration judiciaire pendant un mois. On a obtenu un sursis
et les administrateurs judiciaires vont pouvoir regarder si le groupe FlixBus n’a pas volontairement mis des conditions en place pour que la société Eurolines soit liquidée
, a souligné Me Pierre-François Rousseau, avocat qui défend les intérêts des salariés, cité par l’AFP. La prochaine audience est prévue le 21 juillet.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly