Dossier de l’Info militante n°3400 daté du mercredi 28 février 2024.
L’égalité femmes-hommes a beau être la grande cause nationale du quinquennat, et les annonces gouvernementales se multiplier, les inégalités salariales et de carrière ne diminuent pas. La journée internationale des droits des femmes du 8 mars est l’occasion, pour FO, d’exiger de nouveau une action déterminée des pouvoirs publics et du patronat pour que ce principe constitutionnel d’égalité devienne effectif.
Trêve d’affichage ! L’égalité entre les femmes et les hommes a beau être estampillée grande cause nationale du quinquennat (comme en 2017-2022), les inégalités salariales ou de carrière ne diminuent pas. Les chiffres sont têtus : le revenu salarial moyen des femmes est inférieur de 24 % à celui des hommes dans le secteur privé (tous temps de travail confondus) et de 14 % dans la fonction publique. Révélateur de l’inégale évolution de carrière, en particulier après la naissance d’enfant(s), les femmes restent minoritaires sur les postes cadres (à 39 % dans le privé, 43 % dans la fonction publique), alors qu’elles sont plus diplômées que les hommes. Derrière les effets d’annonce, il y a une absence d’avancées concrètes, dénonce FO qui saisit, cette année encore, l’occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars pour « exiger » l’égalité réelle. Et plus largement, de nouveau, le front commun à huit organisations dit la nécessité d’une action résolue des pouvoirs publics et du patronat pour que l’égalité professionnelle devienne effective. On en reste loin, bien que le principe soit constitutionnel depuis 1946, consacré dans la loi depuis 1972.
L’exécutif n’avance que sous la contrainte
Pourtant, les mesures ou projets gouvernementaux sont tombés drus en 2023. Lancé en mars, le plan quinquennal interministériel pour l’égalité femmes-hommes a conduit à décliner, dès l’été, dans la fonction publique, précisément dans les services de l’État, l’index égalité déjà appliqué au secteur privé. À l’issue de la conférence sociale du 16 octobre, l’exécutif a annoncé la création en 2024 d’un Haut conseil des rémunérations, dont l’un des chantiers serait les bas salaires liés aux temps partiels subis (des emplois surtout féminins). Il a promis aussi une concertation sur la réforme du congé parental et la refonte de l’index égalité dans les dix-huit mois. Révision que FO réclame depuis la création de celui-ci, en 2019.
Cinq ans ont été perdus ! Les défauts de conception de cet outil le rendent inopérant pour atteindre l’égalité effective, appuie Béatrice Clicq, secrétaire confédérale FO au secteur de l’égalité. Elle rappelle l’aiguillon que constitue la transposition (d’ici juin 2026) de la directive européenne sur la transparence salariale : elle va rendre caduc le principal indicateur de l’index égalité ! L’exécutif n’avance que sous la contrainte, note-t-elle. Il trouverait cependant son intérêt à agir : selon les calculs de FO, le respect de l’égalité salariale apporterait 5,5 milliards d’euros de cotisations supplémentaires par an. Mais cela exigerait d’aller au-delà de l’affichage, d’agir concrètement sur toutes les causes connues d’écarts, ainsi que le revendique FO : contrats précaires, sous-valorisation des métiers à prédominance féminine, discrimination salariale, inégale évolution de carrière.
La révision de l’index annoncée d’ici avril 2025
Le 16 octobre 2023, l’exécutif a reconnu qu’il fallait bâtir un nouvel index, plus ambitieux, plus transparent, plus fiable, dans les dix-huit mois. Il donne raison à FO qui revendiquait depuis 2019 une révision de l’outil, qui n’a pas su permettre, et ce depuis sa création, une correction des écarts de rémunération femmes-hommes. Paradoxe en effet : alors que l’écart est de 24 % dans le secteur privé, la note moyenne des entreprises était de 88 sur 100 en mars 2023. Depuis 2020, seules soixante-dix-sept sociétés ont eu une note inférieure à 75 sur 100, les obligeant à des mesures correctrices sous peine de sanction
Un rapport-bilan en mars par le Haut conseil à l’égalité
Pointées par la Cour des comptes, les raisons de l’échec sont multiples, de la méthodologie à l’absence d’une logique de résultats. L’indicateur sur les rémunérations ne garantit pas une comparaison pour un même travail ou un travail de même valeur. Et il n’y a pas d’obligation de présenter en CSE l’analyse de celui-ci, quelle que soit la note, alors que ce serait un levier dans la négociation sur l’égalité professionnelle, appuie Béatrice Clicq, secrétaire confédérale. Le Haut conseil à l’égalité présentera en mars un rapport-bilan de l’index, qui va dans le sens des critiques FO et sera un appui dans la future concertation.
Femme, cadre et mère : le triptyque toujours infernal
Alors que le président de la République engage à un réarmement démographique, sous-entendu que les femmes aient plus d’enfants (l’indice de fécondité est actuellement de 1,68 enfant par femme), une enquête de l’Apec, publiée le 8 février, renvoie, elle, à la réalité des difficultés qu’induit la maternité sur les carrières des femmes cadres (près de 40 % de femmes cadres contre 30 % en 2005). Et ces difficultés commencent dès l’annonce de la grossesse à l’entreprise… C’est un premier temps fort, souvent perçu comme angoissant, avec la sensation d’une mauvaise nouvelle à annoncer, et pour certaines femmes le sentiment de trahison vis-à-vis de leur entreprise, note l’Apec. Vient ensuite le congé de maternité avec une absence de la salariée cadre pas toujours respectée par l’entreprise, ce qui est vécu par les futures mères cadres comme un abus ou une intrusion.
Un parcours professionnel freiné
Le retour de congé maternité est lui aussi une épreuve, difficile pour 47 % des femmes interrogées, très difficile pour 14 %. Dans leur grande majorité, les cadres mères soulignent la difficulté à faire face à leur charge de travail malgré la fatigue. (…) le défi consistant à être aussi efficaces (…) et engagées qu’avant. Près des trois quarts des femmes cadres remarquent que les entreprises ne mettent pas en place de dispositifs pour anticiper et aménager leur retour de congé maternité. Ainsi, 44 % des mères cadres éprouvent des difficultés à retrouver leur place à leur ancien poste. Pour ces cadres, devenir mère a des conséquences sur leur parcours professionnel à long terme, constate l’Apec. Le congé maternité ralentit la progression hiérarchique pendant plusieurs années, estiment 74 % des mères cadres. Et 78 % indiquent que la parentalité est globalement jugée pénalisante (…) une femme qui a eu des enfants est freinée dans son évolution professionnelle. Rappelons que chez les cadres, à profil et poste équivalents, l’écart salarial entre hommes et femmes est de 7 % au détriment des femmes. Et en moyenne, les hommes cadres perçoivent une rémunération de 15 % supérieure à celle des femmes.