La règle est inchangée, une démission, pour être valable, doit être claire et non-équivoque. Il arrive, tout de même, qu’un salarié mal accompagné se fasse piéger. L’employeur doit donc toujours être vigilant face à une lettre de démission et doit s’assurer que celle-ci découle bien d’une volonté dénuée de toute ambiguïté du salarié de quitter son emploi.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 7 mai 2024 (Cass. soc., 7-5-24, n°22-23749), rappelle, avec vigueur, le devoir de vigilance qui s’impose face à une démission.
En l’espèce, un salarié qui s’était absenté de l’entreprise avait demandé à son épouse de prévenir son employeur de cette absence. Il avait, à cet effet, laissé à son épouse, une lettre vierge avec sa signature.
L’épouse n’a pas réellement respecté la volonté du salarié, puisqu’au lieu de rédiger une lettre informant l’employeur de l’absence du salarié, elle a rédigé une lettre de démission.
Le salarié demande sa réintégration, elle est refusée.
Il saisit alors le juge pour demander à ce que la rupture du contrat soit analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Débouté en appel, il forme alors un pourvoi en cassation.
Au moyen de son pourvoi, le salarié énonce que la démission doit procéder d’une volonté claire et non équivoque. Il ajoute qu’une démission établie par un tiers n’est valable que si elle est rédigée en présence du salarié et qu’elle donne lieu à une information précise du salarié sur les conséquences de son acte.
La Haute juridiction donne raison au salarié.
Elle rappelle au visa des articles L 1231-1 et L 1231-7, que « la démission ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail ».
La Cour relève que les juges avaient constaté que le salarié avait envoyé une lettre vierge à son épouse, que cette dernière a complétée.
Les juges ont ensuite estimé qu’aucun élément ne démontrait que l’épouse avait mal compris les intentions du salarié. Or, de ces différents faits, les juges ne pouvaient que conclure à une absence de volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner. La Cour casse de ce fait, l’arrêt de la cour d’appel.
La solution n’étonne guère. A la lecture des faits, rien ne laissait supposer que le salarié souhaitait effectivement quitter son emploi. L’absence d’instruction de la part du salarié, et la seule lettre vierge, fût-elle signée de sa main, sont insuffisantes à caractériser une volonté de démissionner.
Il faut savoir, qu’une démission établie par un tiers n’est pas en soi irrégulière. La Cour de cassation a déjà jugé par le passé, que la lettre de démission rédigée par un tiers est valide, lorsque par exemple, elle a été traduite dans la langue maternelle du salarié et que ce dernier a été avisé des conséquences pécuniaires de sa décision et qu’il l’a tout de même maintenue (Cass. soc., 22-2-00, n°98-40650) ; ou encore quand un employeur a rédigé une lettre de démission que le salarié a ensuite signée, le salarié ne sachant ni lire, ni écrire, mais qu’il avait été informé par un collègue de la différence entre une démission et un licenciement (Cass. soc., 5-4-06, n°05-40768).
La Cour de cassation exerce un contrôle lourd sur les décisions des juges du fond en matière de démission, en atteste, en l’espèce, l’emploi du terme violation de la loi. Les juges disposent d’une appréciation souveraine en la matière, mais en cas de doute, ils ne peuvent qu’invalider la démission.
On retiendra de cet arrêt, qu’en matière de démission, on n’est jamais mieux servi que par soi-même.