Dans la Marne, des salariés d’une structure d’aide à domicile qui estimaient dangereuses leurs conditions de travail ont saisi l’inspection du travail. L’inspecteur du travail a engagé un référé contre cette structure. Il a été suspendu.
La direction du travail a suspendu, pour manquements graves et répétés
, l’un des vingt inspecteurs du travail dans le département de la Marne, Antony Smith, par ailleurs représentant de son syndicat au conseil national des inspecteurs du travail. La Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) dont il dépend lui a communiqué la décision le 14 avril lors d’un entretien. Si son salaire est maintenu, une enquête administrative est en cours. Il s’est vu notifier, le 15 avril, la suspension immédiate de ses fonctions, à titre conservatoire, par le Ministère du Travail et ce dans l’intérêt du service
.
L’inspection du travail avait été saisie le 15 mars par les élus CSE de l’association d’aide à domicile rémoise, Aradopa, dont environ 150 salariés sur 300 seraient actuellement sur le terrain (pour environ 2500 clients). L’inspecteur avait alors engagé à l’encontre de cette dernière une procédure de référé après avoir constaté une situation affligeante
, indique l’UD-FO de la Marne. Elle souligne que face à ce constat alarmant, l’employeur n’a pas pris ses responsabilités. Il a contacté le conseil départemental pour lui signifier son intention de fermer la structure au risque de mettre des salariés au chômage et de laisser des clients sur le carreau. Le conseil, plutôt que d’inciter l’employeur à respecter ce qui lui était prescrit, a contacté la Direccte qui en réponse s’en prend à l’inspecteur du travail
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Les salariées doivent trouver des solutions elles-mêmes
A la mi-avril, des droits de retrait et un droit d’alerte pour danger grave et imminent avaient même été utilisés dans cette structure associative. Mais comme le souligne la secrétaire générale de l’UD FO de la Marne, Sylvie Szeferowicz, face notamment à l’interprétation unilatérale qu’en fait la ministre du Travail
, les droits de retrait ont été levés. Elle précise que le droit d’alerte, lui, est maintenu, plus que jamais, tant nos camarades et l’ensemble de leurs collègues sont mis en danger.
Pour la militante, ces salariées qui sont la 3e ligne
ont été abandonnées par tous ces décideurs.
En effet, il manque des masques, des sur-blouses, des charlottes. Les salariées doivent trouver des solutions elles-mêmes, vu que rien ne bouge. Elles se sentent abandonnées
, indique Sylvie Szeferowicz, précisant que les responsables des secteurs de l’Aradopa ont remonté à leur direction les souffrances des aides à domicile. Clairement, les salariées ont peur pour elles et pour les familles. » Aujourd’hui, si du gel hydroalcoolique et des gants sont arrivés à l’Aradopa, c’est encore insuffisant pour rassurer les salariés, appuie l’UD-FO.
La question des masques au cœur des reproches
Pour justifier sa décision, le ministère du Travail a avancé que cet agent
(l’inspecteur du travail, Ndlr) a, par exemple, enjoint aux employeurs des conditions de maintien d’activité non conformes aux prescriptions des autorités sanitaires
. C’est-à-dire notamment des masques, selon le syndicat de l’inspecteur du travail suspendu. Il lui serait reproché d’en avoir prescrit l’utilisation par les aides à domicile alors que le ministère s’en tient dans ses préconisations aux gestes barrière, faute de masques disponibles
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De son côté, la Fédération Nationale de l’Action Sociale FO a dénoncé, dans un communiqué du 17 avril, les mesures d’intimidation
envers les inspecteurs du travail, et exigé le retrait immédiat de toutes les mises à pied, dont celle d’Anthony Smith, ainsi que l’abandon de toutes les procédures disciplinaires » (https://www.force-ouvriere.fr/coronavirus-un-inspecteur-du-travail-de-la-marne-suspendu )
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly