Malgré 35 jours de grève et un trafic totalement à l’arrêt depuis le 7 novembre, aucune sortie de crise ne se profile au sein du réseau de bus FSO, qui couvre l’agglomération de Cergy-Pontoise et de Conflans-Sainte-Honorine en banlieue parisienne. Les conducteurs, mobilisés à l’appel de FO, refusent la dégradation de leurs conditions d’emploi dans le cadre de l’ouverture des transports publics à la concurrence. Les négociations avec leur nouvel employeur, le groupement Lacroix-Savac, bloquent notamment sur la question des salaires.
La détermination des conducteurs de bus de Francilité Seine et Oise (FSO) qui, depuis le 7 novembre, tiennent jour et nuit le piquet de grève dans le froid, le vent, la pluie et même la neige, semble à toute épreuve. On est encore plus déterminés, on ne compte plus l’argent perdu, c’est devenu une question de principe, tant qu’il n’y aura pas de signature, rien ne rentrera dans l’ordre, prévient Frédéric Mirande, délégué FO, syndicat ultra majoritaire dans l’entreprise.
Ce conflit est emblématique de la perte de droits liée à l’ouverture à la concurrence des transports publics d’Ile-de-France, en application d’une réglementation européenne. Dans ce cadre, les 32 lignes qui couvrent les agglomérations de Cergy-Pontoise (Val d’Oise) et de Conflans Sainte-Honorine (Yvelines) ont été regroupées au sein d’un même lot. Après un appel d’offre, le marché a été remporté en janvier dernier par FSO, filiale du groupement Lacroix-Savac.
Le nouvel employeur a jusqu’en mars 2025 pour négocier un accord de substitution visant à harmoniser les conditions de travail et de rémunération des salariés issus des deux sites jusqu’alors indépendants. Le dépôt de Conflans était auparavant géré par Transdev et celui de Cergy par Stivo. Mais le dialogue social tourne au bras de fer. Non seulement les discussions ont tardé à démarrer mais la mise en place de nouveaux plannings à la rentrée de septembre a mis le feu aux poudres. Une nouvelle organisation du travail a été imposée malgré l’opposition unanime des représentants du personnel qui dénoncent notamment des temps de pause et des temps de battement extrêmement réduits entre deux rotations.
Echec de la médiation
Il aura fallu le déclanchement de la grève, et la nomination dix jours plus tard d’un médiateur par le donneur d’ordre Ile-de-France Mobilité, pour que la direction accepte enfin d’ouvrir les discussions avec les représentants du personnel. Mais sans aboutir jusqu’à présent. Les négociations n’avancent pas, elles bloquent toujours sur le premier point, la grille de salaire. Nous voulons désormais la médiation de l’inspection du travail, qu’elle vienne autour de la table, mais la direction s’y oppose, poursuit Frédéric Mirande.
Selon le syndicat FO, la direction propose de recalculer tous les salaires sur la base de la convention collective, soit la mise en place d’une grille unique, harmonisée et convergente vers le bas. Cela engendrerait par exemple, estime FO, une baisse du salaire de base de 289,14 euros, soit de 13,05%, pour un ex-salarié de la Stivo ayant huit ans d’ancienneté.
Le repreneur étant tenu de maintenir le niveau de salaire par rapport à l’ancien employeur, une indemnité différentielle comblant l’écart entre l’ancienne et la nouvelle grille serait versée aux salariés. Mais au fur et à mesure que notre salaire augmentera, c’est le montant de l’indemnité qui baissera, et nous percevrons toujours la même somme. Cela signifie que ces prochaines années, nous ne serons jamais augmentés, dénonce Frédéric Mirande. Vincent Vilpasteur, secrétaire général de l’union départementale FO du Val d’Oise, revendique le versement d’un salaire en lieu et place de cette indemnité.
Trois niveaux de rémunération différents
Par ailleurs, les conducteurs continueront de percevoir trois niveaux de rémunération différents en fonction de leur situation, selon qu’ils proviennent du dépôt de Conflans, du dépôt de Cergy ou qu’ils aient été embauchés directement par FSO, sur la base de la nouvelle grille.
Selon le site sur lequel on travaille, on n’aurait pas le même taux horaire. Sur le dépôt de Conflans, avec la même ancienneté, les chauffeurs seraient payés 8% de moins que ceux de Saint-Ouen. Or à travail égal, salaire égal, dénonce le militant, qui pointe également un recrutement « low cost » pour les nouveaux embauchés.
Dans un communiqué, la direction propose désormais de faire converger en trois ans la rémunération des conducteurs rattachés à Conflans vers celle de Cergy.
Le conflit se déroule aussi sur le plan de la communication. Alors que la direction accuse le syndicat de refuser toute négociation, ce dont FO se défend, l’association FO des consommateurs AFOC 95 dénonce la dégradation tant du service rendu aux usagers que du manque d’entretien des véhicules depuis le changement de prestataire. Elle a fait imprimer de grandes bannières montrant des pneus usés ou des voyants allumés sur les tableaux de bord. Sur ces bannières, un QR code permet au public d’accéder à un formulaire en ligne pour dénoncer cette situation.
Aucun bus n’est sorti du dépôt depuis le 7 novembre. Le 4 décembre dernier, le préfet a fait débloquer le dépôt de Saint-Ouen-l’Aumône par les forces de l’ordre, sur décision de justice, afin de permettre aux salariés non-grévistes d’exercer leur droit à travailler. En vain. Les non-grévistes ont refusé de reprendre le volant en faisant valoir leur droit de retrait. Après un mois d’arrêt, ils estiment que ce serait trop dangereux pour eux de reprendre le service avec un nombre réduit de véhicules, indique Frédéric Mirande.