Uni Global Union a interrogé des agents de sécurité dans trente-cinq pays. Le résultat est édifiant quant aux mauvais traitements dont ils sont victimes au quotidien.
Pauvres, mal payés, invisibles, dévalorisés, ainsi se sentent les agents de sécurité. C’est en tout cas le résultat d’une enquête accablante réalisée auprès de 11 000 professionnels dans trente-cinq pays par Uni Global Union (la fédération internationale des travailleurs des services).
L’enquête ne fait pas de distinction selon le pays et le niveau de développement du droit du travail qui y prévaut. Elle révèle au contraire des témoignages convergents, en Europe, en Afrique, en Amérique ou en Asie, notamment sur l’impact qu’exercent les mauvaises conditions de travail et de rémunération sur la santé, l’équilibre psychique et la vie familiale.
C’est une énorme charge mentale que de s’interroger tous les jours sur la manière de survivre quand le coût de la vie grimpe en flèche, témoigne un agent qui intervient sur divers sites en Finlande. Comment ne pas être stressé quand on ne sait pas combien l’on sera payé à la fin du mois ? Moi je travaille douze heures par jour, avec seulement un jour de repos par semaine, cela affecte forcément ma santé physique explique cet autre qui exerce sur des sites miniers en Côte d’Ivoire.
Salaires insuffisants et irréguliers
A 57 %, les travailleurs interrogés se déclarent insatisfaits du montant de leur rémunération. Notre salaire n’est pas suffisant pour nous nourrir. Nous ne pouvons offrir une vie convenable à nos enfants, s’alarme ce professionnel qui protège des sites industriels et des usines en Turquie. La paie paraît bien légère au regard de l’inflation, mais aussi au regard des dangers auxquels ils sont exposés au quotidien.
L’enquête souligne l’augmentation drastique des modèles de contrats zéro heure. Ainsi, en dix ans, leur nombre a été multiplié par cinq au Royaume-Uni. Sans surprise, 87 % des travailleurs soumis à de tels contrats de travail sont insatisfaits de leur rémunération. Par ailleurs, les agents de sécurité se disent aussi victimes de sous-paiement et constatent régulièrement sur leur fiche de paye un salaire moindre que celui pour lequel ils ont été engagés, en raison notamment des heures supplémentaires non rémunérées.
On ne nous paye pas les heures supplémentaires et parfois nous touchons moins de 40 % de ce qui était convenu, confirme cet agent qui travaille dans des hôpitaux et centres de santé au Brésil.
Côté conditions de travail, un agent sur cinq se sent en insécurité dans l’exercice de sa fonction et 35 % estiment qu’il y a des lacunes dans leur protection. Ils sont 45 % à considérer qu’ils n’ont pas reçu la formation nécessaire pour assumer leurs responsabilités, ce qui exacerbe leur insatisfaction (93 % des travailleurs se sentant en insécurité sont également insatisfaits de leur rémunération).
Des travailleurs harcelés et pas assez respectés
Enfin 46 % des professionnels interrogés s’estiment victimes de harcèlement ou de discrimination dans leur poste, que ce soit de la part du public, du client ou de l’employeur. Certains déclarent avoir reçu des crachats, des insultes ou avoir été agressés par le public qu’ils sont censés protéger. Des jeunes viennent nous provoquer parfois pendant des heures, rapporte un agent qui travaille dans des centres commerciaux et des supermarchés britanniques. Et nous n’avons aucun soutien. Les clients aussi nous insultent et nous menacent.
Enfin les deux tiers se disent jamais ou rarement respectés par leurs employeurs ou clients. L’entreprise n’a rien à faire de notre santé ou de notre sécurité et ne s’intéresse qu’aux clients qu’elle facture, considère un agent qui travaille dans des centres commerciaux et des supermarchés en Espagne. On reçoit presque tous les jours des insultes et des menaces de la part de nos employeurs si on refuse de dépasser nos heures de travail, rapporte un agent embauché dans le secteur de la banque et de la finance en Allemagne.
À noter que les agents qui travaillent dans un pays où ils ont migré expriment davantage le sentiment d’insécurité (55 %) et déclarent subir davantage de discriminations (60,5 %).
Aux discriminations il faut d’ailleurs ajouter celles que subissent les travailleurs syndiqués : près de 80 % des militants interrogés au Salvador, 52 % en Côte d’Ivoire, mais aussi 10 % en Espagne ou 7,4 % en Allemagne ont rapporté avoir subi des discriminations en raison de leur engagement syndical : propos dégradants de la part de leur hiérarchie, insultes, mutations autoritaires, menaces…